Les Brutes, par Philippe Jaenada

  En haut de la pile « On cherche des armes pour ne pas devenir soldat« 

Les premières lignes d’un récit valent parfois toutes les présentations du monde : « Quand j’étais petit (avant-hier), après m’être succinctement renseigné, auprès de mes bons parents, sur les grandes lignes de l’existence à venir et les étapes importantes qui jalonnaient le chemin jusqu’à la mort, j’ai compris que tout se passerait à peu près bien si je parvenais à franchir trois obstacles redoutables, angoissants, qui m’apparaissaient comme les seuls points noirs d’une vie sinon plutôt fastoche : le catéchisme, le service militaire et le mariage« .

Le service militaire : nous y voilà. Enfin, oui mais non. Parce que sous prétexte de nous raconter ses trois jours d’incorporation, Philippe Jaenada nous parle en fait… des moutons. Des moutons dociles, des moutons inquiets, des moutons indomptables, des moutons enragés, et même – et surtout – des béliers (les brutes). Oui, en réalité, dans ce court récit autobiographique, et joliment illustré par ailleurs, Philippe Jaenada nous interpelle sur la résistance. Un texte furieusement impertinent qui comporte une dimension initiatique parfaitement assumée sur l’anti-conformisme, la désobéissance, l’insoumission – ou comment devenir un libre-penseur, et surtout, comment le rester.

Mais c’est aussi un récit complètement jouissif, aux vertus euphorisantes assurées : je ne compte plus les immenses fous rires que ce tout petit texte aura provoqué. Car enfin comment ne pas évoquer le désormais célèbre style Jaenada ? Un style mordant,  bourré de métaphores bien senties et de digressions plus cocasses les unes que les autres. Un style monté sur ressort – les fameux apartés – mais en même temps d’une grande fluidité, et qui provoque un plaisir de lecture incomparable. Bref, c’est fin, intelligent et vraiment tordant !

L’un de mes passages préférés (il rend mieux lorsque l’on a lu tout ce qui précède, mais je ne peux pas m’empêcher de le faire figurer ici malgré tout) : alors qu’il est traîné de force dans une salle remplie d’appelés, Jaenada tombe sur l’un de ses copains d’enfance qui s’écrit : « Ben qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce qui se passe ? 

C’est vrai, ça, qu’est-ce qui peut bien m’arriver ? Qu’est-ce qui peut pousser un garçon parfaitement normal à se comporter de manière insensée pendant ses Trois Jours ? Mystère et boule de gomme. Que faire, que répondre ? (« Rien de spécial, Patrick. J’ai été élevé par des écureuils, je te rappelle »).« 

Une grand merci à L’Ogresse pour m’avoir fait connaître cet auteur ! J’ignore si les Jaenadistes (Cécilequoide9 copyright !) seront convaincus par ce court récit (Erzebeth si tu m’entends), mais il me semble idéal pour aborder la patte de cet écrivain.

Les Brutes, Calepin et Marc en ont également parlé. Et d’autres demain peut-être ? Car ce tout petit livre peut facilement voyager !

Bonne plock à tous !

Les Brutes, par Philippe Jaenada (2006), dessins de Dupuy et Berberian, aux éditions Points (2009), 86 p., ISBN 978-2-7578-0991-4.



La Reine des pommes, par Chester Himes

  En haut de la pile« On pouvait se faire égorger sans crainte d’être dérangé »

Jackson est tellement naïf… Il n’a pas réalisé que cette histoire de billets qui font miraculeusement « des petits » est une belle arnaque dont il était le parfait pigeon. Et il ne voit pas davantage que sa petite amie Imabelle est de mèche avec les escrocs. Convaincu que la bande avec qui elle s’est enfuie la retient contre son gré, il n’a qu’une idée en tête : délivrer sa bien-aimée de leurs sales pattes. Il demande alors de l’aide à son frère Goldy, personnage haut en couleur qui sillonne Harlem déguisé en bonne soeur, vendant des tickets d’entrée au paradis pour se payer sa dose, et ne voit pas davantage que celui-ci cherche à le doubler, avant tout motivé par l’appât du gain.   

La Reine des pommes est un récit vif, bourré d’action et d’humour, où l’on ne s’ennuie pas un instant. Quel rythme ! Et quels personnages aussi ! Jackson évolue dans un monde d’escrocs, de toxico, de joueurs, de prostituées, d’assassins – voir tout cela à la fois – particulièrement cruels dans leur volonté de s’en sortir à tout prix au détriment des autres. Et les deux flics, délicieusement surnommés Fossoyeur et Cercueil – dont c’est ici la première apparition sous la plume de l’auteur – ne vont franchement pas relever le niveau des crapules auxquels ils ont affaire.

Un polar ? La Reine des pommes en prend parfois le chemin et dégage un vrai suspens, en particulier dans sa dernière partie. Mais c’est aussi – et peut-être même avant tout – un récit qui oscille entre farce et roman noir, plongeant le lecteur dans une atmosphère parfois très glauque. Car Chester Himes porte un regard sans concession sur Harlem. Il dépeint une société violente où la bêtise des uns n’a d’égale que la méchanceté des autres, offrant un récit drôle et brutal de Candide au pays du banditisme.

Mais c’est surtout le style de Chester Himes qui donne toute sa saveur à ce récit. Une plume inventive, fluide, truffée d’expressions loufoques. Lorsque Jackson sursaute, il manque de « sortir de sa propre peau » et lorsqu’il est assommé, c’est « sous la caresse d’une crosse de pistolet« . Et plus que tout, c’est le « parlé vrai », le langage argotique et parfois grossier des dialogues qui donne tout son réalisme à cette histoire, somme toute assez déjantée.

« - Écoute-moi gars. Les mirontons qui t’ont empilé, eh bien, ils sont recherchés par la police du Mississipi, pour avoir rectifié un Blanc. Ces mecs-là sont dangereux. Si tu sors avec un pistolet, t’es sûr de te faire descendre. C’est tout ce que tu vas y gagner. Et ça l’avancerait à quoi, ta femme, si t’es buté ?

- Je vais les feinter, moi, ces mecs, déclara Jackson rageur.

- T’es fou à lier, mon gars. Tu sais même pas où ils se planquent.

- Je les trouverai, même si je dois sonder toutes les caves de Harlem.

- Mec, saint Pierre lui-même, il connaît pas toutes les caves de Harlem« .

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Une excellente lecture et un grand merci à Manu qui a vraiment fait un très bon choix en m’offrant ce livre à l’occasion du Swap’in Follies ! J’ai désormais très envie de découvrir plus en avant cet auteur au parcours atypique.

Bonne plock à tous !

La Reine des pommes (The Five Cornered Square), par Chester Himes (1958),  traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Minnie Danzas, aux éditions Folio (2009), 282 p., ISBN 978-2-07-040811-5.



Made in China, par J.M. Erre

97827578119621.gif « Le vrai héros n’urine pas (Écrire un roman ? Fastoche !, p. 112.)« 

Toussaint Legoupil n’est pas rendu. Enfant adopté, né en Chine mais noir de peau, élevé par des parents impossibles dans un village de Provence entièrement dévoué à une secte grotesque, son destin est peu… conventionnel dirons-nous. Lorsqu’il décide de quitter cette vie (que c’est étonnant !) pour retrouver la trace de sa mère biologique, c’eut été trop beau que tout se passe comme prévu. Aidé par (ou plutôt affublé contre son gré de) son amour de jeunesse, la très spéciale Mimi, ce qu’il découvre en Chine va de pis en pis… bref, non, Toussaint n’est pas rendu.

Ce n’est pas peu dire que j’avais adoré les précédents romans du même auteur, Prenez soin du chien et surtout Série Z pour lequel j’ai eu un gros coup de coeur (et qui repartira en livre-voyageur à la fin de l’été, avis aux amateurs de lecture anti-déprime). J’ai retrouvé dans Made in China ce qui a fait mon bonheur avec ces précédentes lectures, mais j’ai aussi rencontré de (très légers) bémols, jusqu’ici inédits.

Les tribulations de Toussaint sont délicieusement cocasses. L’intrigue est bien déjantée, les personnages vraiment atteints, et les rebondissements, nombreux, plus loufoques les uns que les autres – la tentative de viol par une femelle koala en mal d’amour restera une scène culte, sans oublier cette réplique d’anthologie « c’est boooon, les gauuufres« . Le tout est sympathiquement drôle ; il m’a cependant manqué un chouïa de suspens pour être irrépressiblement embarqué dans cette histoire. Et l’écriture m’a par moment semblé trop travaillée, léger frein à une lecture aisée.

Il est pourtant dans ce titres de meilleures trouvailles encore que dans les deux précédemment cités. Mention spéciale aux « bonus » que l’on trouve à la fin du roman, à la manière d’un collector.

« IV – Le bêtisier (…). Voici un des passages les plus intenses de cette histoire : J’ai couché avec ma mère. Comme mon copain OEdidfo aeiyrdfjaphepqdhdfqsdkihfq^g^fg sdiofqsufdoa qdiofqusdo Là c’est mon chat qui a marché sur le clavier de l’ordinateur. On s’est bien marré« .

Ben moi aussi tiens. Parce que ce n’est peut-être pas le meilleur roman de J.M. Erre, mais cela reste un livre truculent, distrayant, au fort pouvoir gloussant. Et dire qu’il va me falloir attendre des mois, voire des années, pour lire un nouveau titre de J. M. Erre – ses trois romans ont été précédemment publiés à une intervalle régulière de deux années… ce qui nous reporte le suivant à 2012… Dur !

Merci à Clara et à Keisha de m’avoir accompagné dans cette lecture !

Bonne plock à tous !

Made in China, par J.M. Erre (2008), aux éditions Points, 221 p., ISBN 978-2-7578-1196-2.



Prenez soin du chien, par J.M. Erre

erre.jpeg « J’ai tout de suite remarqué que quelque chose clochait chez lui…« 

Il se passe de drôles de choses aux 5 et 6 de la rue Doulce-Belette. Il faut dire que la folie semble contagieuse dans ces deux immeubles mitoyens… Par exemple, entre les voisins Max Corneloup et Eugène Fluche, rien ne va plus. Le premier, auteur de romans-feuilletons, et le second, peintre sur coquille d’oeuf, se persuadent à qui mieux-mieux que l’autre n’a  d’autres préoccupations que de l’espionner. Mais plus l’on fait connaissance avec les autres résidents, plus ces deux là nous paraissent relativement sains d’esprit. Et lorsqu’un meurtre est commis, la santé mentale déjà fragile des locataires semblent défaillir pour de bon.

Quelle histoire, mais quelle histoire ! Après avoir eu un gros coup de coeur pour Série Z, je n’ai pas pu attendre : Prenez soin du chien est venu coiffer ma PAL en un rien de temps. Et là encore, quelle poilade, mais quelle poilade ! 

Avec ses personnages plus psychotiques les uns que les autres, J.M. Erre nous embarque, l’air de rien, au doux pays des barges. Parce qu’il faut voir le tableau : une concierge indiscrète, une autre sexy en diable, un chienchien  à sa mémère folle-dingue, un auteur de romans cochons, un collectionneur de gerbilles, un adolescent attardé, un cinéaste taciturne – et j’en passe. Ce n’est plus un quartier résidentiel ordinaire ; c’est un asile qui s’ignore.

J’en oublierai presque que ce roman est aussi un polar. Construite sur un compte à rebours, l’intrigue est prenante et surprenante, riche de rebondissements plus cocasses les uns que les autres. Et le dénouement se fait urgemment attendre ! Le récit est aussi servi par une écriture loufoque, hilarante, un brin canaille, et – cerise sur le gâteau – entrecoupé de réflexions sur le travail de l’écrivain, les ressorts de la fiction, l’inspiration…

Une histoire déjantée, foisonnante, et pourtant bien maitrisée : du grand art !

Extrait du journal de Max Corneloup : « Aucun signe d’activité chez Fluche depuis mercredi. Pas de lumière, pas de mouvement. Je n’ose espérer qu’il ait enfin débarrassé le plancher (…). Ce matin, il m’est venu à l’esprit une idée assez délectable : et si le maniaque était mort ? Je l’imagine, vautré au milieu de ses oeufs, paré pour le voyage… Vers le paradis des poules si cela lui fait plaisir ! Crise cardiaque ? Rupture d’anévrisme ? A moins qu’une vilaine chute… (…) Ouais, une chute, c’est pas mal ça… A demi trépané sur le lino, on fait nettement moins le malin… Et les huit mètres du salon, ça devient vite une trotte, quand vous n’avez plus que le petit doigt pour vous tracter…« .

Si Prenez soin du chien m’a semblé un léger chouïa en dessous de Série Z – il faut préciser qu’il s’agit du premier roman de J. M. Erre -, il en reste un immense plaisir de lecture, jubilatoire, rapide (trop rapide même !) et vivement recommandée !

Les avis de Keisha, Papillon, Choupynette, Fashion, Emeraude, Jules… et d’autres encore recensés chez BOB !

Bonne plock à tous !

Prenez soin du chien, par J.M. Erre (2006), aux éditions Points (2007), 304 p., 978-2-757-80124-6. 



La lamentation du prépuce, par Shalom Auslander

auslander1.jpeg  « Dieu est ici, Dieu est là, Dieu est partout. Un point c’est tout. Alors, fais gaffe petit« .

Shalom est du genre très très angoissé. Élevé dans la plus stricte orthodoxie juive, il a développé une paranoïa pas possible envers un certain grand bonhomme tout la haut… Et à l’heure de devenir père lui-même, voilà que cette éducation lui joue encore des tours.  Il faut dire qu’entre l’école hébraïque ultra sévère et les travers de sa famille, la rupture avec les préceptes rigoristes de son éducation n’est pas des plus aisée. Shalom revient  ainsi sur les séquelles qu’il garde de son éducation extrêmement religieuse en expliquant les interdits, les contraintes, et surtout son rapport très personnel avec le Tout-puissant, ce Dieu revanchard et cruel avec qui il compte les points.

Le sujet est grave, mais le ton est léger, léger ! Une lecture facile donc, mais aussi une lecture intéressante en ce qu’elle donne à voir le tiraillement d’un jeune homme élevé dans un milieu austère et confronté à une culture occidentale permissive. Un récit sans concession, mais extrêmement divertissant du fait de son traitement complètement loufoque. 

Shalom Auslander oscille entre farce et émotion avec une habileté déconcertante. Il est tour à tour drôle, désespéré, corrosif, lubrique, inquiétant – mais drôle avant tout. Pour le dire autrement, La Lamentation du prépuce m’a fait l’effet d’un numéro d’équilibriste parfaitement exécuté. Hautement recommandé à ceux qui aiment rire utile !

« Mes professeurs m’ont appris qu’il est faux de dire que Dieu a provoqué l’Holocauste : en 1938, Il a simplement détourné la tête. Il a regardé ailleurs. « Hein, comment ? Géno quoi ? Vraiment ? Merde, j’étais au petit coin… ». Pas un meurtrier, non. Juste un complice par omission (…). Mes professeurs m’ont enseigné qu’un juif qui met la honte à ses coreligionnaires commet un péché que la mort venue d’en haut punira, et j’ai bien peur que ce récit entre dans ce cas de figure. Mais je respire un grand coup, et je me dis qu’Aaron Spelling va très bien, et si lui n’est pas un sujet d’embarras pour son peuple, je me demande qui peut bien l’être…« . 

Un grand plaisir de lecture pour lequel je remercie vivement Mango, qui a fait de La lamentation du prépuce un livre-voyageur ! Vous pouvez lire son avis ici, ainsi que ceux (enthousiastes, voire très enthousiastes) de Keisha, Liliba, Dasola, Miss Rose, Mazel, Plume, et ceux (plus, voire beaucoup plus mitigé) d’Emmyne, d’Elizabeth, de CécileSBlog.

Un récit qui m’en a rappelé un autre : Fuck America, d’Edgar Hilsenrath, les tribulations d’un juif new-yorkais rescapé de la Shoah, un sujet grave pour un traitement complètement déjanté.

Bonne plock à tous !

La Lamentation du prépuce (Foreskin’s Lament), par Shalom Auslander (2007), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Cohen, aux éditions 10-18 (2009), 306 p., ISBN 978-2-264-04835-6 .



Série Z, par J. M. Erre

 

97822830244471.gif  « Lecture sans répit, martyre de la vessie »

Félix est un type un peu minable qui passe ses journées : primo, à esquiver les attaques en règles menées par les femmes de sa vie, soit sa compagne, sa soeur, sa mère, sa fille ; secondo, à alimenter un blog consacré au cinéma bis sous le nom de docteur Z. Son rêve de devenir scénariste semble pourtant sur le point de se concrétiser. Mais son script  présente d’étranges similitudes avec la réalité…

Une histoire abracadabrantesque (mais très facile à suivre !) servie par une plume désopilante : il n’en fallait pas davantage pour provoquer des fous rires – de vrais fous rires ! – à presque toutes les pages. C’est bien simple : j’ai été contrainte de finir le livre au salon pour ne pas réveiller Mr Pickwick tellement je me gondolais et ne pouvais plus m’arrêter. Il faut dire que je suis sensible à l’humour absurde… et J. M. Erre est un maître en la matière !

C’est surtout bourré de trouvailles. En particulier dans l’écriture : récit proprement dit, extraits du script, page de blog, commentaires du blog, rapports de police, mails, journal tenu par Félix en cas perte de mémoire – sans oublier pause publicitaire et entracte…  L’intrigue est truculente, parce que c’est aussi un vrai polar, avec du suspens sur fond d’étranges disparitions. 

Série Z est farfelu au possible, loufoque à souhait, poilant jusqu’à l’overdose. Vraiment le livre le plus drôle que je n’ai jamais lu – j’espère ne pas placer trop haut les attentes en disant cela – et pour cette raison évidente un gros coup de coeur.

Ici les premières pages (ne pas s’en priver, ce serait dommage !)

« A une prochaine fois peut-être ? » demande J. M. Erre en épilogue… le peut-être est définitivement de trop !

L’avis de Keisha, que je remercie mille fois de m’avoir donné envie de lire ce livre (mes abdos ne te disent pas merci en revanche, mais, tsss, ça ne leur fait pas de mal !) qui a aussi chroniqué Prenez soin du chien que je vais m’empresser de dénicher !

D’autres avis très enthousiastes chez Alicia, Cathulu, Brize, Gwenaelle, Clara, Leiloona

Bonne plock à tous !

PS : je ne résiste pas au plaisir de faire voyager Série Z. N’hésitez pas à le demander !

 

Série Z, par J.M. Erre (2010), aux éditions Buchet/Chastel (2010), 365 p., ISBN 978-2-283-02444-7.

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Tête de Chien, par Morten Ramsland

folio021.jpg    « Ne te laisse pas envoûter par les esprits des arbres »

« Entre Norvège et Danemark, des années trente à nos jours, ce récit cocasse célèbre la famille, pour le meilleur comme pour le pire. De la rencontre d’Askild et de Bjork naît une ribambelle de personnages tous  plus loufoques les uns que les autres. Morten Ramsland réussit à conjuguer bonheurs et malheurs avec une impertinence et une légèreté toute enfantine, sans oublier l’amour« .

Bon, allons-y gaîment : ce livre n’est ni plus ni moins qu’un petit bijou capable, me semble-t-il, d’atteindre chacun dans son petit coeur. Si vous aimez les destins pas ordinaires racontés avec brio… foncez !

Plusieurs fois au cours de ma lecture, je me suis demandé à quoi ou à qui ce livre me faisait penser. Et puis la réponse m’est soudainement apparue dans toute son évidence…Voyons : une tragédie grecque racontée à la manière d’une farce ? Une traversée des époques, des lieux, des générations à faire pâlir un psychanalyste chevronné ? Une manière de raconter des choses graves avec légèreté – et inversement ? Une capacité à donner une dimension universelle aux personnages ? Bon sang mais c’est bien sur ! Il y a dans ce livre quelque chose de John-Irving-ien !

Puis, une fois cette lecture refermée, je me suis demandée ce qu’il m’en restait : je crois pouvoir parler d’un formidable tableau bigarré. Tout en couleurs vives nées d’une histoire passionnante, d’un humour pince-sans-rire très présent, d’une intrigue pleine de rebondissements, d’une touche de magie puisée dans les contes scandinaves, d’une fin éclairante – et qui arrache sa petite larme – et du style pétillant, sans longueurs, où l’on prend plaisir à lire chaque mot laissé par l’auteur.

« Bjork commençait à être écoeurée par son époux alcoolique. Des rêves piochés dans toutes sortes de romans sentimentaux de médecins venaient la hanter la nuit, et, dans la journée, ces mêmes romans s’imposaient dans sa vie. Askild n’avait que du mépris pour le nouvel intérêt littéraire de son épouse et il a essayé, sans succès, de lui faire partager sa passion pour les livres d’art et le jazz. Il est indéniable que Bjork était assez mal disposée envers ces enthousiasmes : dans le cubisme, elle ne voyait que la folie de son mari, dans le jazz, elle n’entendait que sa dépendance bruyante à la bouteille. Oui, derrière la lutte sans fin entre les goûts soi-disant cultivés d’Askild et ceux soi-disant populaires de Bjork se cachait un condensé complet de leur relation, et ce combat connut seulement une espèce de trêve lorsque Bjork, sur ses vieux jours, développa un certain goût pour les finesses et les joies des tripots clandestins« .

Un roman que j’ai même envie de relire – et ça c’est plutôt rare, pour ne pas dire exceptionnel pour moi ! 

Et ne loupez pas le très chouette billet de Choco qui en parle vraiment bien, tout comme Jérome !

Un grand merci à  51410427p.jpg et aux éditions Folio !

Bonne plock à tous !

Tête de Chien (HundeHoved), par Morten Ramsland, traduit du danois par Alain Gnaedig, aux éditions Gallimard, collection Folio (2010), 464 p., ISBN 978-2-07-041778-0.



Retour au bercail !

Vous pourrez retrouver ici les billets publiés sur mon blog de secours.

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The portrait of a Lady Swap : dénouement du Swap organisé par Lou et Titine ! Venez découvrir ce que ma swappeuse m’avait réservé…

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Une vie moins ordinaire, film réalisé par Danny Boyle, qui s’inscrit dans la challenge « Ewan vs Christopher » organisé par Chryssilda et Titine.

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9782246765011.gif

Quand souffle le vent du nord, par Daniel Glattauer. Une très belle lecture, et je remercie encore Keisha pour ce livre-voyageur !

***

Bonne plock à tous !



Turpitudes, par Olivier Bocquet

turpitudesolivierbocquet182x300.jpg                                                              

Rencontré à l’occasion du festival Quais du polar, Olivier Bocquet avait su m’intéresser. J’avais donc acheté son premier livre ; c’était moins l’intrigue qui m’avait tenté que notre goût commun pour Tom Sharpe et Jasper Fforde.

Et j’en avais presqu’oublié Turpitudes… quelle erreur ! Ce polar a été primé par des internautes plein de sagacités. Et dispose d’un quatrième de couverture digne de ce nom.

« Décembre 2003. Fontainebleau fait la une des journaux à trois reprises : un meurtre particulièrement barbare trouble la quiétude des habitants ; une émeute sanglante secoue la ville ; et, pour la première fois en France depuis le XIXe siècle, une épidémie de dysentrie se répand dans les rues comme une traînée de poudre. Ce que la presse ignore, c’est que ces trois évènements sont liés… ».

La question qui se pose (et à laquelle répondra parfaitement l’auteur !) est  »comment en est-on arrivé là ? » … et j’aimerai beaucoup en dire davantage, mais la découverte de l’intrigue fait partie intégrante du plaisir de lecture ! Je m’abstiens pour le laisser intact…

Mais tout de même : Turpitudes est construit sur une narration alternée particulièrement habile. Des chapitres courts, qui croisent les voix de personnages liés entre eux d’une manière ou d’une autre. Des personnages bien foutus, pas toujours crédibles dans leurs actes, mais qui ne laissent pas indifférents. Tour à tour, on les soutiens, on les moque, on les conspue… et surtout, on décolle progressivement les étiquettes que leurs diverses origines sociales leur avaient imprimé.

Voilà une intrigue vraiment bien construite - et j’en veux pour preuve ce signe qui ne trompe pas : les pages se tournent à une vitesse prodigieuse. Parce que c’est fluide, très bien écrit, totalement captivant.  Mais aussi très réaliste, dérangeant, amer et, en même temps, bourré d’humour.

Bref, un polar bigrement intelligent que je recommande très volontiers.

Bonne plock à tous !

PS : comme il s’agit d’un premier roman, petite présentation de l’auteur    photo03111.jpg

« Olivier Bocquet est né à une époque où l’on considérait sans rire qu’il était possible d’aménager son salon avec des meubles gonflables. Il ne s’en est jamais vraiment remis. Issu du croisement entre un french lover et une correspondante anglaise, il babille bilingue très tôt : sa première question est : « pourquoi not ? » (…). L’apprentissage de la lecture lui est fatal : depuis lors, il vit dans la fiction. C’est pourquoi, de manière générale, il vaut mieux se méfier de ce qu’il raconte« . 

Turpitudes, par Olivier Bocquet (2010), aux éditions Pocket, 338 p., ISBN 978-2-266-20071-4.



Saga, par Tonino Benacquista

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« Si une chaîne réunit dans une même pièce un jeune scénariste fringant prêt à travailler gratuitement, une pisse-copie du roman rose, un SDF fatigué et un vieil has-been, c’est qu’il y a certainement un couille dans le potage ! ». En voilà un beau résumé.

Une idée sympatoche au départ. Quatre personnes réunies pour pondre une daube télévisuelle, de la saga comme on n’en fait plus. Le hic ? Le sit-com en question a vocation à n’être diffusée qu’à 4h du mat’.

Pourtant, entre Marco, le narrateur (« devenir scénariste, c’est ma seule ambition dans l’existence« ), Mathilde, la « midinette professionnelle« , Jérôme, qui tient du génie spoilé et incompris, et Louis, le « vieux cheval de labour qu’on garde en vie parce qu’il connaît bien la route« , tout fonctionne vite et bien. 

On leur permet de faire n’importe quoi, et ils ne vont pas se gêner.

Dans ce quasi huis-clos, les autres, c’est surtout l’émulation. Dedans, les rapports humains sont fait d’amitiés, de complicité, de complémentarité. Dehors en revanche, tout n’est qu’incompréhension. Avec Séguret, le directeur des programmes que l’on fait tourner en bourrique, avec Charlotte aussi, la compagne de Marco, dont l’histoire de couple constitue une trame secondaire plutôt intéressante.

Une première partie qui fonctionne donc très bien ! Je ressens une agréable montée en puissance dans toute la première moitié du roman. L’écriture est fluide, légère, l’entrée en matière immédiatement séduisante.  

Tout allait bien donc…. jusqu’au milieu du roman. Mon plaisir de lecture initial n’a pas survécu à la fin du huis-clos. Lorsque le quatuor explose, c’est tout le liant de la trame qui s’est effondré sous mes yeux. Le début d’une longue dégringolade : plus d’adhérance, plus d’engouement, plus beaucoup de sens… rien de désagrable, mais le charme est rompu.

C’est ce qui s’appelle un avis mitigé ! Tant que les personnages ont des choses à faire, on les regarde, on se distrait, on prend partie ; dès lors qu’ils sont lâchés dans le tout et rien, l’ennui gagne sournoisement. 

Et pourtant, je ne regrette pas du tout cette lecture ! Étrange ? Oui et non. Disons que c’est sans prise de tête aucune. Un vrai moment de détente malgré tout, pas le moindre soupçon d’agacement ou d’irritation malgré ma déception : ça reste léger et divertissant. Donc pourquoi pas ?

D’ailleurs, de nombreux avis enthousiastes sur la blogo : Keisha, Karine:), La plume et la page (plus mitigé chez Marie ; et plein d’autres commentaires chez BOB).

Bonne plock à tous !

Saga, par Tonino Benaquista (1997), aux éditions Folio, 439 p., ISBN 2-07-040845-0.



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