Comment j’ai fêté la fin du monde, par Catalin Mitulescu

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Roumanie, 1989. Dans la banlieue de Bucarest, Eva devient adulte. Elle a 17 ans – mais tant l’actrice que le personnage en paraissent bien davantage. Elle vit avec ses parents et Lalalilu, son frère de 7 ans ; mais surtout, elle fréquente Alex, « fils de flic », fils de l’officier du parti du quartier. Un jour, alors qu’ils traînent dans les couloirs du lycée, ils renversent par accident un buste de Ceausescu. Et c’est Eva qui trinque, lâchée par Alex, lui-même protégé par son statut. Renvoyée, elle intègre un établissement entre lycée professionnel et maison de redressement. Et fait la connaissance d’Andreï, fils de dissident, qui rêve de quitter le pays.

L’intrigue du film deviendra vite secondaire. Elle ressemble davantage à un prétexte pour donner à voir des tranches de vie sous un régime autoritaire qui vit ses dernières heures.

D’où l’impression d’un film brouillon et qui traîne en longueur… mais qui reste plaisant à voir.

D’abord et avant tout pour la qualité de l’image. Angle de vue, lumière, la caméra s’attarde, s’immisce, saisit de très belles choses et crée une atmosphère à la fois douillette et brutale.

Ensuite, pour les chroniques de vie dans un quartier de Bucarest. Un coin de banlieue qui s’apparente à un petit village, dans lequel il faut composer avec la résignation, la méfiance et les petits délires de chacun. Et un film rythmé par des scènettes souvent drôles, de cet humour du dernier recours, fragile et amer. 

Enfin et surtout, pour ses acteurs. Eva – Dorotheea Petre, prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 2006 – qui, avec ses faux airs de Fanny Ardant, porte le film. Mais aussi Lalalilu – Timotei Duma – et même si je suis loin d’être la première à m’attendrir béatement devant la petite bouille du premier gosse qui passe, force est de reconnaître qu’il est juste sublime.

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Un extrait ici (impossible d’insérer la vidéo… vous ai-je déjà dit que j’étais une bille en informatique ?) ou ici  Comment J’Ai Fêté La Fin Du Monde.

Un film tragi-comique à l’esthétique tout simplement très belle, mais peut-être à réserver aux soirées d’humeur nostalgique et contemplative

Bonne plock à tous !

 

Comment j’ai fêté la fin du monde (2005), réalisé par Catalin Mitulescu, avec Dorotheea Petre, Timoti Duma… Sélection officielle Un certain regard – Festival de Cannes 2006 ; Prix d’interprétation féminine, 101 min.



Un train pour Trieste, de Domnica Radulescu

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Un train pour Trieste, ou la vie de Mona, née à Bucarest sous la dictature, des années 60-70 jusqu’à nos jours. Bien que l’auteur s’en défende, difficile de ne pas y voir un fort caractère autobiographique, tant le récit respire le vécu et les parallèles sont nombreux.

Adolescente, Mona tombe dans les bras de Mihai ; il faut dire qu’elle a terriblement besoin de légèreté. Parce que Mona vit de plein fouet la chape qui plombe la Roumanie et qui s’accentue lorsque Ceaucescu arrive au pouvoir. Parce son quotidien, c’est parfois la faim et très souvent la peur – en particulier pour son père, intellectuel et résistant de l’ombre. Et puisqu’il faut se méfier de tout le monde, pourquoi pas de Mihai ?

Un jour qu’elle se moque du « Guide bien aimé », il la rabroue. « Dois-je l’embrasser ou le gifler ? Il plaisante, me dis-je avec fermeté. La preuve ? Il écoute Ella Fitzgerald et les Beatles. Je peux lui faire confiance. Je peux l’aimer. J’entends un train siffler« .

Il est question d’une histoire d’amour certes : mais elle est surtout (me semble-t-il) un prétexte. Pour raconter la terreur, l’angoisse, les démons qui nous poursuivent s’ils ne sont pas affrontés un jour ou l’autre. La romance est aussi ce par quoi la véritable trame du roman prend corps : le train pour Trieste, celui qui permettra de fuir, fuir la faim, fuir la peur, fuir les blousons noirs qui viennent tabasser votre famille à l’heure du coucher. Et de construire enfin sa vie, qui sait… mais sur quelles bases ?

En vérité, il y a longtemps que j’aurai du vous parler du récit de Domnica Radulescu. Mais ce livre a vraiment quelque chose de particulier. Il n’est même pas passé par la salle d’attente de ma bibliothèque : à peine ouvert pour le feuilleter que j’avais déjà avalé une cinquantaine de pages. C’est dire son pouvoir d’attraction et l’interêt que j’ai porté à cette histoire. Sans oublier la clarté de son style, simple et sans prétention.

Je m’aperçois que ma présentation n’est certainement pas des plus alléchantes – et pourtant ! Ce fut un immense plaisir de lecture. Et l’aveu me coûte, mais je tiens à être sincère jusqu’au bout : j’ai même versé quelques larmes sur la fin. Et je suis bien embêtée de ne pas pouvoir expliquer plus en avant ce moment d’égarement.

Une lecture recommandée les yeux fermés à ceux qui aiment les destins de femme, l’Histoire - en particulier des pays de l’Est -, les histoires d’amour impossible, les histoires de famille (un quasi-témoignage passionant pour ceux qui s’interessent à la psycho-généalogie), les bios même romancées, les récits de clandestinité ou de déracinés… bref, à tout le monde en fait !

Juste une chose : heureusement que je n’ai pas pris le temps de regarder le quatrième de couverture, qui révèle trop de choses selon moi. Ce n’est certes pas un livre à suspens, mais il mérite vraiment d’être approché au rythme voulu par l’auteur, ou du moins à sa manière.

L’avis de Catherine que je remercie vivement pour m’avoir donné envie de lire ce livre.

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Lu dans le cadre du challenge Europe Centrale et Orientale organisé par La Plume et la page - La Roumanie est donc la deuxième étape de mon voyage après la République Tchèque.

Bonne plock à tous !

Un train pour Trieste (Train to Trieste), par Domnica Radulecu (2008), traduit de l’anglais par Karine Reignier, aux éditions Belfond (2010), 360 p., ISBN 978-2-7144-4460-8. 

 



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