Mêlée ouverte au Zoulouland, par Tom Sharpe 8 mars
Mêlée ouverte au Zoulouland est certainement l’un des livres les plus explosifs qu’il m’ait été donné de lire.
Tom Sharpe a choisi de dénoncer l’apartheid sur un mode tragi-comique, option trash. Un récit à l’image du système sud-africain que l’auteur a connu dans les années 60-70 : cru, cruel, violent, mais aussi totalement grotesque.
Dans la petite ville de Piemburg, il est des flics médiocres. Tout spécialement le kommandant van Heerden - précieux et ambitieux, certainement le seul boer du pays follement mordu des anglais – et le konstable Els, dit le Tueur-de-Caffre, une brutasse finie, doublé d’une crétinerie très avancée. Et il est aussi une notable d’origine britannique qui vient s’accuser du meurtre de son cuisinier zoulou…
« La loi dit qu’il est criminel de tuer des Caffres hors de chez soi. Mais la loi dit aussi qu’il est tout à fait admis et correct de les tuer à l’intérieur« . Or, impossible de convaincre cette vieille Miss Hazelstone, aussi autoritaire qu’excentrique, de déplacer le corps de l’homme qui gît, en mille morceaux, sur sa pelouse… mais ce ne sera pas l’ultime tocade de l’ancienne qui fera tourner en bourrique la police de la ville jusqu’à plus soif.
« Miss Hazelstone répondait au quart de tour à toutes les provocations. Elle se leva et pointa le fusil vers le parc. Le kommandant n’avait pas prévu qu’elle tirerait. Le konstable Els, pour une fois, fit preuve de plus de perspicacité et se jeta par terre. Que l’endroit qu’il choisit fût déjà occupé par un énorme doberman Pinscher ; que le chien en question choisit de refuser au konstable le droit de se vautrer sur lui (…) ; tout cela échappa au kommandant Van Heerden quand Miss Hazelstone, visant un coup en l’air, puis un coup au sol, appuya sur la gachette (…). La fin du monde n’était plus proche : elle venait d’avoir lieu (…). Au centre de la pelouse, le coup de fusil avait ouvert une tranchée (…) dont les bords en dents de scie laissaient échapper ce que le kommandant espérait de tout coeur n’être que de la vapeur« .
Une mêlée ? Un énorme capharnaüm oui ! Force est de reconnaître qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Mais tout m’a semblé passablement brouillon. Les rebondissements s’enchainent à une vitesse prodigieuse, au point que l’action en soit parfois difficile à suivre. Il m’a parfois fallu revenir en arrière pour retrouver le fil des évènements… Et il est des quiproquos à gogo auxquels j’ai fini pas ne plus croire.
C’est d’autant plus dommage que l’on retrouve finalement tous les ingrédients qui constituent aujourd’hui la Sharpe‘s touch : la dérision loufoque dans le ton, l’imbroglio jouissif dans l’intrigue, la satire violente dans le propos.
« - Vous venez souvent par ici ? demanda-t-il.
- A la prison ?
- En Afrique du Sud. Encore que ce soit presque la même chose« .
Il me reste à espérer que la suite de ce premier roman, Outrage public à la pudeur, soit un peu mieux construite… mais tout aussi débridée !
Lu dans le cadre du Challenge Safari littéraire organisé par Tiphanya
Challenge accompli !
Ce fut mon auteur non-africain pour une intrigue située en Afrique, après avoir chroniqué les Poèmes Perdus de Léopold Sédar Senghor comme auteur africain.
Et pour prolonger le plaisir, j’ai fait un tour le blog tenu par le journaliste Sebastien Hervieu installé dans ce pays : l’Afrique du Sud en couleurs. Vraiment très sympa.
Bonne plock à tous !
Mêlée ouverte au Zoulouland (Riotus Assembly), par Tom Sharpe (1971), traduit de l’anglais par Laurence, aux éditions 10-18, collection « domaine étranger », 310 p., ISBN 2-264-01406-7.