Juliet, Naked, par Nick Hornby

hornby.jpeg « Si les toilettes pouvaient parler, hein ?« 

Le quatrième de couverture est pertinent, alors profitons-en ! « A Gooleness, petite station balnéaire surannée du nord de l’Angleterre, Annie, la quarantaine sonnante, se demande ce qu’elle a fait des quinze dernières années de sa vie… En couple avec Duncan, dont la passion obsessionnelle pour Tucker Crowe, un ex-chanteur des eighties, commence sérieusement à l’agacer, elle s’apprête à faire sa révolution. Un pèlerinage de trop sur les traces de l’idole et surtout la sortie inattendue d’un nouvel album, Juliet, Naked, mettent le feu aux poudres. Mais se réveiller en colère après quinze ans de somnambulisme n’est pas de tout repos ! Annie est loin de se douter que sa vie, plus que jamais, est liée à celle de Crowe qui, de sa retraite américaine, regarde sa vie partir à vau-l’eau… Reste plus qu’à gérer la crise avec humour et plus si affinités… »

Le sujet originel, c’est donc une banale crise de la quarantaine. Car Annie réalise que depuis 15 ans, elle partage sa vie avec un pauvre type, du genre crétin-fanatique-suffisant et qu’en définitive, elle n’a pas fait grand chose de son existence, largement vécue dans l’attente et la procuration. Mais par-delà ce réveil soudain dans un couple qui bât de l’aile, Nick Hornby entraîne le lecteurs sur un certain nombre de questions existentielles, et touche ainsi du doigt des thèmes contemporains et plus délicats qu’il n’y parait.

Des choses légères, il y en a. Et des choses plus sérieuses, il y en a aussi, mais toujours racontées de manière légère – tout pour faire mon bonheur quoi. L’obsession qui vire à l’idolâtrie, la fin des rêves de jeunesse, les travers d’internet, et la difficulté à refaire sa vie. Mais aussi la question de la parentalité, ratée ou tardive avec les angoisses d’un petit garçon qui anticipe sur la disparition de son père. Et enfin, la légitimité ou l’autorité de la critique d’art – car Duncan va apprendre à ses dépens que « toute opinion est valide« . 

Autres sources de réjouissances, les personnages – courageux et pitoyables, peu importe, ils sont tous attachants dans leur manière d’avoir raté leurs vies – et le cadre : l’ambiance dépeinte par Nick Hornby dans cette petite station balnéaire oubliée sur la côte anglaise est délicieuse ; une bourgade dont l’heure de gloire a sonné depuis longtemps, et donc à l’image des personnages. Sans oublier ce ton, plein de sarcasmes et d’ironie, qui a même suscité une bonne poignée de vrais fous rire – comme ici, lorsque le garçon explique que son lapin mort est enterré dans le jardin :

« - Le lapin est enterré juste là, indiqua Jackson à Lizzie en désignant la croix en bois sur le bord de la pelouse. Papa ira à côté de lui, hein, papa ?

- Ouais, répondit Tucker. Mais pas tout de suite.

- Mais bientôt. Peut-être quand j’aurai sept ans ?

- Plus tard, dit Tucker.

- Bon. Peut-etre, concéda Jackson d’un ton dubitatif, comme si cette conversation avait pour but de réconforter Tucker« .

Bref, ma première rencontre avec Nick Hornby fût franchement réussie ! Une lecture vraiment plaisante, et qui, mine de rien, donne à réfléchir et à s’émouvoir avec une grande fraîcheur et une vraie finesse. Encore un grand merci à Esmeraldae qui m’a permis de gagner ce livre !

Lu dans le cadre d’une lecture commune sur Nick Hornby organisée avec Lou (qui a lu Speaking with the Angel) et à laquelle se sont joint Mango et Hilde (avec Slam) Kikine et DF (avec Juliet, naked), La Nymphette (avec Bonté mode d’emploiet d’autres encore peut-être (j’actualise dans la journée !)

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Les nombreux avis sur Juliet, naked recensés chez BOB !

Bonne plock à tous !

Juliet, Naked (Juliet, Naked), par Nick Hornby (2009), traduit de l’anglais par Christine Barbaste, aux éditions 10-18 (2010), 314 p., ISBN 978-2-264-05083-0. 



Voyage dans les ténèbres, par Jean Rhys

97820707736951.gif  « A chacun sa ration d’espoir« 

Anne est une jeune femme paumée (encore ! C’est décidément un thème récurrent ici, il va falloir y remédier fissa ! Bref). A la mort de son père, déjà veuf, cette fille de colons quitte ses Antilles natales pour l’Angleterre. Ce « retour au pays » est un déchirement dont elle ne parvient pas à se départir. Lâchée par sa belle-mère et sans grandes ressources, elle vit désormais au jour le jour, pension après pension, verre après verre, mauvaise rencontre après mauvaise rencontre.

Voyage dans les ténèbres m’a fait l’impression d’un anti-conte de fée. Voyez : une jolie petite nana, orpheline bien sûr, affublée d’une marâtre évidemment, qui vit dans le souvenir de son enfance – son âge d’or – et qui cherche un prince charmant… Et patatras. La vie – la vraie quoi ! – la rattrape rapidement.

Anne s’enfonce alors un peu plus chaque jour. Car elle se laisse en grande partie porter par les événements… comme lors de sa première nuit avec Walter – son premier amant, sa première passe.

« Il revint dans la chambre et je l’observai dans la glace. Mon sac était sur la table. Il le prit et mis de l’argent dedans. Avant de le faire, il regarda dans ma direction, mais crut que je ne pouvais le voir. Je me levai dans l’intention de dire « Qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? », mais arrivée près de lui, au lieu de dire : « Ne faites pas cela », je dis : « Très bien, si vous voulez – tout ce que vous voudrez, comme vous voudrez » et lui baisai la main.«  

Un sombre roman initiatique qui se déguste rapidement – c’est court – et aisément – quel style ! Une écriture simple (qui dit pourtant beaucoup de choses), froide, distante, mais sans prétention aucune : je suis complètement sous le charme de la plume de Jean Rhys.

Pourtant, il a manqué quelque chose pour totalement me convaincre – et ce quelque chose est certainement de l’ordre de l’intrigue. L’auteur nous invite à investir l’esprit d’une jeune femme introvertie, passive, mélancolique, et qui sombre irrémédiablement dans une forme de dépression. Fatalement, elle finit par ne plus rien pouvoir faire, à peine tirée de sa torpeur par des rencontres hasardeuses et des frénésies d’achat grâce à l’argent de son amant.

La qualité de l’écriture m’a sauvé de l’ennui, mais pas du sentiment d’inachevé – sentiment qui se fait particulièrement criant à la fin du roman. Je ne voulais quitter ni l’auteur, ni son personnage… Il y avait là une belle matière, un style des plus savoureux, un sujet des plus prometteur, mais qui n’a pas été, me semble-t-il, suffisamment exploité ; un peu frustrant finalement ! 

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Un grand merci à Cécile qui m’a offert ce roman à l’occasion du Lady Swap organisé par Lou et Titine ! Et comme j’ai également offert ce roman à ma swappée, nous avions programmé une lecture commune pour ce Voyage dans les ténèbres : ici l’avis d’Emma.

Au passage, d’autres avis sur Jean Rhys : le billet de Malice sur ce titre (le seul trouvé à ce jour – y’en a-t-il d’autres ?), mais  aussi de Choupynette sur le recueil A septembre, Petronnella, et de Titine sur La Prisonnière des Sargasses (que désormais j’ai très envie de lire, car il semble bien plus consistant !).

Et pour celles et ceux qui aimeraient lire une histoire parallèle (certaines similitudes sont frappantes) mais dans laquelle l’héroïne prend, elle, son destin en main (et ce n’est pas peu dire !), j’ai très envie de suggérer la lecture de Dirty Week-end, d’Helen Zahavi. Une Anne prise de folie furieuse et qui accomplit violemment son destin… ça vaut le détour !

Bonne plock à tous !

    

Voyage dans les ténèbres (Voyage in the Dark), par Jean Rhys (1934), traduit de l’anglais par René Daillié, aux éditions Gallimard – Denoel, collection L’imaginaire (2005), 207 p., ISBN 2-07-077369-8.

 



Dirty Week-end, par Helen Zahavi

97828594067451.gif « Voici l’histoire de Bella qui se réveilla un matin et s’aperçut qu’elle n’en pouvait plus« .

Bella est une femme un peu paumée, c’est vrai, mais elle s’en sort plutôt bien. Jusqu’au jour où un homme se met à l’observer de sa fenêtre. Puis à l’appeler. Et à la suivre. Bella, qui jusqu’ici avait fermé le rideau et s’était terrée dans l’obscurité, va littéralement disjoncter. Et devenir, le temps d’un week-end, une formidable tueuse en série. Et « c’est ce jour là que débute son histoire« .

L’histoire de Bella est d’une cruauté et d’une violence inouïe. Bella a décidé de prendre son destin en main et de renverser les rôles. Elle va riposter. Répondre aux attaques des hommes, de ceux qui menacent ou qui parviennent à la viol*r, ceux qui ont commis l’erreur de la considérer comme un agneau sans voir qu’elle était en réalité le boucher.

« Pour Bella, la justice n’est pas la justice biblique. Jamais elle n’appliquera le principe oeil pour oeil, dent pour dent. Cette parité laxiste et molle lui donnerai presque envie de vomir. »

La plume d’Helen Zahavi est tout simplement renversante. Des phrases courtes, sèches,  envoyées comme un tir de mitraillette. Les évènements s’enchaînent à une vitesse prodigieuse, quelques digressions, quelques moments d’introspection laissant à peine le temps de reprendre son souffle.

« Elle songeait à quel point elle avait besoin d’une arme. N’importe laquelle. Un mousquet. Un fusil. Une carabine. Un file-moi-le-fric-et-tire-toi. Un rattrape-moi-si-tu-peux. Elle songeait à des explosifs. Elle songeait à des fusils à canon scié. Des lance-flamme, des canons et de la cordite. De la dynamite, du plastic, un pur plaisir. Elle pensait tactique. Elle pensait stratégie (…) Bella voyait remarquablement grand« .

Un premier roman qui en son temps avait fait l’objet d’une demande d’interdiction au Parlement de Londres pour cause d’immoralisme. Alors oui, Helen Zahavi ne nous épargne pas, avec des scènes d’une obscénité et d’une cruauté à faire frémir le lecteur le plus averti. Mais justement !

Et il faut dire que je savais où je mettais les palmes grâce à Amélie, qui l’avait  justement choisi comme héroïne (une héroïne qui se nomme Bella, si ce n’est pas un signe ça !) pour le challenge On veut de l’héroïne ! Une excellent source d’inspiration, merci à elle ! Parce que cette héroïne-là en surclasse plus d’une. Donnez un flingue à Bella-la-fadasse, elle en fera une crise de nerf ; donnez un flingue à cette Bella là, et elle vous fera un carnage à faire pâlir Charles Manson.

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Une lecture coup de poing dont on ne ressort pas indemne. Indispensable, infernal, magistral.

Bonne plock à tous !

PS : pour rester totalement dans le thème mais finir sur une touche joyeuse, je vous invite à jeter un oeil chez Canel qui nous propose aujourd’hui d’écouter une tueuse en série… bien plus sympathique !

 

Dirty week-end (Dirty week-end) d’Helen Zahavi (1991), traduit de l’anglais par Jean Esch, aux éditions Phébus (2000), 208 p., ISBN 978-2-859-40674-5.

 



Lecture commune autour de Nick Hornby

 

Et si l’on se dégustait un petit Nick Hornby ?

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Lou et moi avons très envie de partir à la (re)conquête de cet auteur anglais. On vous propose donc une lecture commune autour de Nick Hornby sur le roman de votre choix !

Le titre reste à votre entière disposition, en accord – ou pas ! – avec votre PAL. L’idée étant de publier nos billets le 1er aout, un peu à la manière d’un challenge instantané.

Une lecture rafraichissante, à savourer sur la plage, sur une terrasse, à l’ombre d’un arbre ou lors d’une douce soirée d’été… Il n’y a donc plus à hésiter ! 

Bonne plock à tous !

P.S. : un petit concours pour gagner le dernier roman de Nick Hornby, Juliet, naked, chez Esmeraldae (jusqu’à ce soir minuit), chez Choco (jusqu’au 15 mai 23h59 !), chez Liyah (jusqu’au 19 mai, 20h !) et chez Ankya (jusqu’au 19 mai à 18h !).

P.P.S. : et bravo à Lou pour ce superbe logo !

Edit du 15/05 : j’en reviens pas… j’ai gagné ! Je vais recevoir Juliet, naked : beaucoup, d’avis positifs sur ce titre, j’ai très envie de le lire ! Merci mille fois à Esmeraldea !



Orages Ordinaires, par William Boyd

97820210010371.gif  « Ne te tape jamais ta voisine, il se souviendrait de ça dans une prochaine vie« .

Il est parfois des lectures paradoxales que l’on souhaite ne jamais voir finir tant le plaisir est grand, et que, dans le même temps, l’on ne peut s’empêcher de dévorer tant le suspens est insoutenable. Ce fût le cas du dernier roman de William Boyd, Orages ordinaires, que je peux annoncer immédiatement comme étant un grand coup de coeur.

Le plaisir commence dès le quatrième de couverture, avec une présentation comme on aimerait en voir plus souvent. « Par un pur hasard, Adam Kindred, jeune climatologue spécialiste des nuages, se retrouve dépouillé en quelques heures de tout ce qu’il tenait pour acquis : sa carrière, sa réputation, ses cartes de crédit, son passeport, son portable, et même ses vêtements, soit tous les signes extérieurs de son identité humaine. Une succession de terrifiantes coïncidences fait de lui l’auteur tout désigné d’un meurtre. Police et tueurs à gage lancés à ses trousses, sa seule issue est d’entrer dans la clandestinité et de rejoindre la multitude de ces disparus qui hantent les grandes capitales mais demeurent indétectables sous les rayons inquisiteurs des radars sociaux. Entre ses poursuivants multiformes et insaisissables et ses frères de misères, Adam fait l’apprentissage cruel et fascinant de l’art de la survie à l’intérieur d’un Londres hors normes, peuplé de personnages fort inventifs face aux vicissitudes existentielles« …

Si les toutes premières pages peuvent être un peu déconcertantes, l’on comprend  très rapidement que l’on tient dans les mains un vrai bijou.

D’abord et avant tout pour la qualité de l’intrigue. Une narration alternée (encore !), qui permet de suivre la chasse à l’homme lancée contre Adam, le témoin gênant, par cet ancien militaire devenu mercenaire et orchestrée par les barons de l’industrie pharmaceutique.

Une intrigue bien construite et qui n’a rien d’insurmontable ! William Boyd sait doser les zones d’ombres, les révéler en temps utile, et créer une traque à couper le souffle sans jamais perdre son lecteur. Tout a du sens et tout s’éclaire au moment opportun. Il n’est ni imbroglio gratuit, ni mélo facile, en particulier à la fin – une fin étonnamment apaisante.

Orages Ordinaires, c’est aussi une ambiance, des personnages terriblement crédibles (mention spéciale à Ly-on, « petits petits pois ») et un style – magistral. Et une réflexion tout en finesse sur les enjeux de l’identité, de l’anonymat, du pouvoir, de l’éthique, de l’échelle sociale… bref, du chaos de la société moderne.

« Il s’offrit une douche dans la suite de la gare Victoria et se lava les cheveux pour la première fois en un mois ou presque. Il examina l’étranger barbu aux traits tirés qui le fixait dans le miroir tandis qu’il se coiffait et fut frappé par la force des sentiments contraires qui l’habitaient : une vive fierté devant sa résilience et son ingéniosité, un amer apitoiement sur soi-même à l’idée qu’il avait pu en arriver là. Oui, je suis libre, songea-t-il, mais que suis-je devenu ?« .

Un thriller qui se déguste aisément tout en donnant à réfléchir sur le monde qui nous entoure. J’en redemande ! Merci à L’Ogresse, grâce à qui j’avais repéré ce titre !

Et je remercie bien sûr Alapage pour l’envoi du roman Orages Ordinaires de William Boyd, un auteur dont je ne vais certainement plus me passer ! 

Bonne plock à tous !

 

Orages Ordinaires (Ordinary Thunderstorms), par William Boyd (2009), traduit de l’anglais par Christiane Besse, aux éditions du Seuil (2010), 476 p., ISBN 978-2-02-100103-7.

 



Retour au bercail !

Vous pourrez retrouver ici les billets publiés sur mon blog de secours.

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The portrait of a Lady Swap : dénouement du Swap organisé par Lou et Titine ! Venez découvrir ce que ma swappeuse m’avait réservé…

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Une vie moins ordinaire, film réalisé par Danny Boyle, qui s’inscrit dans la challenge « Ewan vs Christopher » organisé par Chryssilda et Titine.

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Quand souffle le vent du nord, par Daniel Glattauer. Une très belle lecture, et je remercie encore Keisha pour ce livre-voyageur !

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Bonne plock à tous !



L’invisible, par Stella Rimington

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« Selon le jargon de la CIA, le terme «invisible» désigne un terroriste qui a la nationalité et l’ethnie du pays choisi pour cible. Liz Carlyle, de la section antiterroriste du MI5, apprend que la Grande-Bretagne va être infiltrée par un «invisible». Dans le même temps, un jeune indic pakistanais lui signale des mouvements suspects dans une librairie islamiste fondamentaliste de Londres. La menace existe assurément, mais Liz ignore le lieu, la date et la nature de l’attentat…
Dans la veine des classiques du roman d’espionnage, terrain privilégié du suspense, de l’angoisse et du double jeu,
L’Invisible détient une carte maîtresse : l’auteur domine mieux que quiconque le sujet, pour avoir occupé pendant cinq ans le poste de directeur général du MI5« .

La couverture et le quatrième de couverture ne rendent vraiment pas justice à ce polar très réussi. Du classique roman d’espionnage, il est évidemment question, mais pas seulement : ce livre a largement rempli son contrat en dépassant même mes attentes.

La construction du récit est exemplaire. L’intrigue, qui pourrait sembler complexe de prime abord, est riche sans être confuse. D’un côté, l’arrivée d’un Pakistanais sur le sol britannique. De l’autre, du rififi dans le milieu du banditisme. Le puzzle se met en place à une allure idéale, ni trop rapide (c’est précis, crédible, cohérent), ni trop lente (c’est prenant, rythmé, bien calibré). On va de surprise en surprise, et ce jusqu’à la fin. De quoi tirer un excellent film du genre, me suis-je d’ailleurs dit en passant.

Le monde des renseignements semble rendu tel qu’il est : des tensions entre les services, des intuitions, des recoupements ténus et même d’heureux hasards. Ses membres ne sont jamais présentés comme des machines froides ou des warriors à toute épreuve. Liz, par exemple, a un sacré caractère, un amant, des coups de génie et des coups de blues. Rien de plan-plan donc du côté des personnages, les caractères sont assez fouillés, notamment celui de l’Invisible qui se dévoile progressivement. 

Et l’ambiance n’est pas négligée, bien au contraire. L’atmosphère brumeuse de la campagne anglaise (puisque c’est le cadre principal du récit – contrairement à ce que la couverture pourrait laisser croire) est magnifiquement rendue. Ses pubs miteux, ses snobinards et ses paumés, ses plages et ses paysages à perte de vue… de quoi séduire au-delà des amateurs de polar.

A lire absolument pour les adeptes du genre donc, mais pas seulement ! C’est même certainement le livre que je conseillerais pour (re)découvrir les romans d’espionnage. Une enquête très actuelle, qui sonne terriblement juste et sans une once de manichéisme. Et le fait que le personnage principal soit une femme ne gâche rien au plaisir bien sûr ! Bref, un très bon polar comme j’aimerai tellement en lire plus souvent !

Un grand merci à la Team de 47286519 et aux éditions Le livre de poche !

D’autres avis très positifs chez Nathalie, Flof13 et Lagrandestef, un peu plus mitigé chez Véro.

Bonne plock à tous !

PS : mon billet enthousiaste ne doit rien au fait qu’il s’agisse d’un partenariat – j’ai d’ailleurs lu le livre avant les derniers évènements blogosphériques. Précision certainement inutile (je ne me suis pas gênée pour indiquer que certains livres reçus m’ont déçu ici ou ) et justification que je déplore dans le principe… mais autant le faire une fois pour toute. 

L’invisible (At Risk), par Stella Rimington (2004), traduit de l’anglais par Johan-Frederik Hel Guedj, aux éditions Le livre de poche, collection Thriller, 472 p., ISBN : 978-2-253-11615-8.



Junk, par Melvin Burgess

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« C’est le problème de la plupart des gens. Ils rêvent d’être éternels. Alors, quand on leur annonce qu’on veut juste vivre sa vie, et que si ça signifie mourir dans trois ans, ce n’est pas grave, ça les rend fous. A partir du moment où on décide que ça n’a aucune importance de ne jamais avoir vingt ans, il n’y a plus rien à dire contre l’héroïne, non ?« . 

Nico et Gemma sont ados, amis, amants et fugueurs. Lui vit la fureur de ses parents alcooliques et violents, elle a la fureur de vivre loin de ses parents. Il fuit par désespoir, elle le rejoint par choix – et les voilà errant dans Bristol. Un premier squat, un peu d’aventure, un second squat, un peu d’héroïne - et les voilà junkies parmi les junkies.  

Junk n’est pas un livre prétentieux. Ni dans la forme - accessible – ni le fond – factuel. Il se lit donc très vite et sans s’ennuyer un instant. Les situations et les personnages sont crédibles à défaut d’être réels. Ce n’est pas un essai, ce n’est même pas un manifeste – Junk ressemble davantage à un témoignage-fiction non moralisateur.

Les chapitre sont des bribes de récit, vu à tour de rôle par les protagonistes, Nico, Gemma, les junkies et les non junkies qui les entourent. Et c’est cette alternance des points de vue qui a rendu cette lecture intéressante. Là où certains s’y seraient cassés la binette, Melvin Burgess a parfaitement réussi cet exercice du genre périlleux. La descente aux enfers apparaît tant dans sa dimension collective – l’effet de groupe – que dans sa dimension personnelle – le parcours individuel. Le tableau est à la fois général(isable) et intimiste, et là je me dis : chapeau.

Soyons honnête, c’est une lecture qui ne m’a pas procuré une foultitude d’émotions. Loin du « bouleversant » annoncé par le quatrième de couverture. Peut-être faut-il y voir la marque de mon insensibilité chronique, mais… je crois que c’est essentiellement lié à son caractère factuel. Et puis, finalement, il n’est pas certain que je le regrette. 

En revanche, il est un point sur lequel je mets un bémol sans concession : le dénouement. Il est peut-être peu crédible par certains aspects, mais il me semble surtout angélique et dangereux. Difficile d’en dire davantage sans vendre l’intrigue, mais le fait qu’aucun des personnages principaux… (je dois m’arrêter là, mais grrr). Difficile de ne pas penser au livre Christiane F. (spoiler - qui termine sur une fin heureuse, sans post-face pour indiquer que la jeune fille est décédée d’overdose quelques années plus tard – fin du spoiler).

J’allais oublier : c’est bien sûr un livre qui s’inscrit parfaitement dans le challenge On veut de l’héroïne ! L’héro n’est pas une addiction comme les autres… l’enthousiasme naïf des premiers temps cède vite la place à la détresse et à la rage. L’amour s’étiole, les coups bas se multiplient, la folie devient furieuse. Là où certaines restent tièdasses et sans saveur – suivez mon regard – l’héro, elle au moins, va à l’essentiel : détruire. Dont acte.

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Challenge On veut de l’héroïne ! organisé par Emma et ici même.

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Et c’est grâce à Tunisia, qui en fait un livre voyageur, que j’ai pu lire ce titre. Un grand merci ! Et je ne peux que vous encourager à rejoindre la chaîne. 

L’avis de Tinusia donc, de Soukee et d’Ankya qui ont eu le coup de coeur !

Bonne plock à tous !

Junk (Junk), par Melvin Burgess (1996), traduit de l’anglais par Laetitia Devaux, aux éditions Folio, 422 p., ISBN 978-2-07-039692-4.



Bienvenue à Egypt Farm, par Rachel Cusk

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« Egypt Farm est un lieu magique, hors du temps. Depuis l’adolescence, Michael est habité par l’atmosphère enchanteresse du cette famille loufoque et bohème. Le jour où il manque de perdre la vie, il décide de retourner à Egypt Farm, fuyant son existence morose et sa femme dépressive. Mais les années ont passé et, derrière ses illusions de jeunesse, Michael découvre une noirceur insoupçonnée… » (Quatrième de couverture).

N’y allons pas par chemins détournés : cette lecture fût une vraie déception, notamment parce que le menu annoncé par le résumé n’était définitivement pas au rendez-vous.

« Un lieu magique » ? Il ne suffira pas à Rachel Cusk de décréter que Michael conserve une merveilleuse impression de son passage à Egypt Farm pour créer une « atmosphère enchanteresse » censée poursuivre le lecteur… Dans ce premier chapitre de souvenirs, les évocations m’ont semblées fuyantes. A tel point que j’ai attendu d’autres flash-back : je n’envisageais pas une seconde que cette entame allait suffire à mettre en place la trame sur laquelle tout le roman repose. Une attente vaine ; mais ce n’était pas la dernière…

« Une famille loufoque et bohème » ? La famille Hanbury m’a surtout semblé par de nombreux aspects assez ordinaire. Et ses quelques travers bien peu consistants. Une famille recomposée, dans laquelle l’ex et la nouvelle femme s’entendent ou font semblant ? Une famille qui organise des soirées jusqu’au petit jour et qui accueille le tout venant ? Hum… ? Oh, l’adolescente (18 ans quand même) que l’on laisse se faire peindre nue par un artiste de passage ? So what ? Bref, si Michael a trouvé cette famille « très inhabituelle« , de mon côté, je cherche encore.

Rapidement, le roman m’a donc paru assez bancal, car, l’intrigue – si tant est que l’on puisse parler d’intrigue – est construite sur la fuite des illusions. Or, comment ressentir cette rupture entre le souvenir et la réalité, entre l’ordinaire et le particulier, dès lors que les premiers ont été négligés ?

Quant à la « noirceur insoupçonnée« , je ne peux pas expliquer à quel point la déception fut grande sans vendre la fin – décevante donc, mais je radote. Les personnages féminins, plutôt intéressants au départ, tournent à la caricature : Rebecca, la femme rebelle et tourmentée ; Lisa, la femme conformiste et dirigiste ; Caris, la femme assumée et fantasmée…

Plus généralement, la volonté de Rachel Cusk de construire une histoire sur des oppositions m’a semblé virer au manichéisme primaire : gens de la ville contre gens de la campagne, élan artistique contre besoin de normalité, mère envahissante contre mère (ultra) distante, et – ma préférée – amateurs de maisons anciennes contre partisans de constructions récentes. Hum.

Quant au style… pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliqué ? Des phrases alambiquées mais vides de substance – et difficile de n’y voir qu’une simple maladresse de traduction. Il est certes quelques dialogues (en particulier les affrontements entre les personnages) qui se lisent avec plaisir, mais cela n’a pas suffit à me faire adhérer à une histoire sur laquelle j’ai glissé, j’ai peiné et désespéré de trouver de l’intérêt.

Merci à  47286519 et aux éditions 084e7cdd5e2d0eafdeff599084837.jpgpour ce partenariat !

Bonne plock à tous !

Bienvenue à Egypt Farm (In the Fold), par Rachel Cusk (2005), traduit de l’anglais par Justine de Mazères, aux éditions Points (2010), 287 p., ISBN 978-2-7578-1512-0.



Duel en enfer – Sherlock Holmes contre Jack l’Eventreur, par Bob Garcia

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Ce fut un plaisir de recevoir le dernier livre de Bob Garcia, Duel en enfer, Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur, pour mon premier partenariat organisé par Livraddict. Et ce fut également un plaisir à la lecture !

Comme le veut l’usage, d’abord le résumé fourni par le quatrième de couverture : « Londres, été 1888. Sous le poids d’une chaleur suffocante, la ville est saisie d’horreur par les premiers meurtres de celui qu’on nommera bientôt « Jack l’Éventreur ». Pourtant, aucune enquête du célèbre Sherlock Holmes ne mentionne le plus fameuse affaire criminelle qui a agité ses contemporains. Bien des années plus tard, le docteur Watson confia à son éditeur le journal de l’investigation qu’il mena aux côtés du détective sur l’insaisissable tueur en série. Une terrible plongé dans l’enfer des bas-fonds londoniens, sur les pas du meurtrier le plus sanguinaire et le plus énigmatique que l’Angleterre ait connu« .

Ce n’est pas peu dire que j’attendais l’auteur au tournant. Mettre ses pas dans les pas de Conan Doyle, rien que ça ! D’autant que Bob Garcia reprend toutes les ficelles originelles, à commencer par le point de vue, puisque l’histoire nous est contée par ce fidèle Docteur Watson. L’entrée en matière est plutôt classique - un journal inédit concédé à un éditeur à la mort du détective - but why not ? Plus largement, l’auteur reprend l’essentiel des clés qui ont fait le succès de Sherlock Holmes. Si ce n’est pas toujours finement amené, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il ne pouvait que difficilement faire autrement…

J’avais donc placé haut mon degré d’exigence ; or, malgré certaines réserves, j’ai plongé dans l’intrigue sans me retourner et avalé ce polar d’une traite. Impossible de m’en décrocher avant de l’avoir terminé. Et de me demander alors : y’a-t-il un meilleur signe pour reconnaître un bon polar ?

Alors, soyons tout à fait honnête, il est certaines choses qui m’ont un peu dérangé. D’abord, le glauque à outrance : les bas fonds de Londres, la prostitution, la misère humaine… tout cela m’a semblé très racoleur. Ensuite, les angoisses existentielles et autres déboires sentimentaux de Watson, qui n’apportent pas grand chose au récit - voire qui le parasitent parfois.

Et surtout, l’impression d’une construction un poil bancale : l’enquête n’avance pas des masses pendant une bonne partie du récit, pour se précipiter ensuite. Les maigres indices et les pistes vagues ne permettaient pas de se faire la moindre idée du dénouement. Certains apprécieront peut-être… j’ai pour ma part vraiment regretté de ne pas pouvoir échaffauder le moindre début de commencement d’une petite hypothèse, ce que j’aime par dessus tout avec les polars !

Malgré tout, ça a bigrement bien marché. Pourquoi, comment ? Je me l’explique mal… A la réflexion, je crois que mon léger agacement a été très largement compensé. D’une part, par l’action : si l’enquête s’enlise, ce n’est pas faute, pour Holmes et Watson, de se démener. Les interrogatoires, les filatures, les poursuites, les confrontations… tout cela donne énormément de rythme au récit. D’autre part, par l’ambiance : Bob Garcia a su dépeindre une atmosphère et offre un récit très imagé. J’ai voyagé en fiacre, foulé le pavé humide, erré dans le brouillard londonien à la nuit tombée… 

Enfin, j’ai totalement adhéré au dénouement, surprenant mais convaincant. Et, cerise sur le gâteau : la postface de l’auteur, entre fiction et réalité, qui pourrait ne pas plaire à tout le monde… et c’est justement ce qui m’a plu !

Je remercie donc les éditions jailu.jpget la Team de 47286519 pour cette lecture très plaisante !

Alicia a partagé mon enthousiasme, La liseuse également, mais Matilda et Soukee beaucoup, beaucoup, moins !

A noter : Bob Garcia sera présent au festival Quais du polar !

Bonne plock à tous !

Duel en enfer – Sherlock Holmes contre Jack L’Eventreur, par Bob Garcia (2008), aux éditions J’ai Lu, 667 p., ISBN : 978-2-290-01888-0.



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