Chéri, par Colette

cheri.jpeg « Pourquoi est-ce que je n’aurai pas un coeur, moi aussi ?« 

Léa est dans la force de l’âge comme on dit – on le dit plutôt des hommes de cet âge, mais l’expression sied bien à la dame. Elle et ses amies n’ont pas eu une vie tellement conventionnelle ; elles ont papillonné sans tellement s’attacher. Et puis Léa passe du temps dans les bras de Chéri, vingt-cinq ans, le fils de Madame Pelloux justement. Tout cela semble ne semble pas bien sérieux… jusqu’à ce que Chéri annonce son mariage arrangé avec une jeune fille bien falote et bien dotée. Tout cela n’était-il vraiment qu’un jeu ? 

En dépit de l’ambiance surannée et mondaine, il y a quelque chose d’incroyablement moderne dans ce récit. Si l’on reçoit ses amies sous la véranda, c’est du gin que l’on sert à l’heure du thé ; si l’on s’éclaire aux candélabres et que l’on sonne les domestiques, l’on s’amuse ouvertement des charmes d’un gigolo et l’on ne se fait aucune illusion sur le mariage. Quant aux faiblesses de l’intrigue elle-même (mon allergie au désespoir amoureux), elles sont largement compensées par la plume de l’auteur.

Le ton est souvent moqueur et impertinent – la dérision semble nécessaire à Léa pour dépasser sa grande lucidité et son amertume. La psychologie des personnages est d’ailleurs sondée avec autant de précision que de concision : Colette va loin, mais sans étirer, sans lasser. Il en ressort des personnages tantôt pathétiques, tantôt attendrissants. Les répliques sonnent juste, les non-dits sont éloquents, et je me suis surprise à relire encore et encore certaines phrases, juste par pur plaisir.

« Elle ne répondit rien. Elle se pencha pour ramasser une fourche d’écaille tombée et l’enfonça dans ses cheveux en chantonnant. Elle prolongea sa chanson avec complaisance devant un miroir, fière de se dompter si aisément, d’escamoter la seule minute émue de leur séparation, fière d’avoir retenu les mots qu’il ne faut pas dire : « Parle… mendie, exige, suspends-toi… tu viens de me rendre heureuse… » « .

Je me disais en refermant ce livre que Colette n’avait certainement rien à envier à ses contemporaines d’outre-manche… et qu’elle plairait probablement beaucoup aux  amoureux des victoriennes ! Il est également une suite (La fin de chéri) et une adaptation ciné (par Stephen Frears), que j’ai désormais très envie de croquer !

Les avis d’Alicia, Kali, Féelodie, Dame-Meli

Lu dans le cadre du Challenge Littérature au féminin, organisé par Littérama

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Bonne plock à tous !

Chéri, par Colette (1920), aux éditions Livre de poche (1959), 190 p. 



Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, par Harper Lee

9782877065504.gif « Pour une fois, tâche de te battre avec ta tête. Elle est bonne, même si un peu dure« .

Scout passe son enfance à Maycomb dans les années 30, une bourgade de l’Alabama,  État alors ségrégationniste du Sud des États-Unis. Grâce à l’intelligence de son père Atticus, avocat et veuf, à sa complicité avec son frère Jem, de quelques années son aîné, et à la tendre autorité de Calpurnia, la gouvernante noire, elle grandit à l’écart de la dureté du monde qui l’entoure – mais non pas sans elle. Scout prend peu à peu conscience de la pauvreté et de la ségrégation qui sévit dans cette région, marquée par la défaite de la guerre de sécession, la crise de 1929 et un fondamentalisme chrétien particulièrement rigoureux.  

Voici un récit qui commence comme une paisible chronique et qui finit comme un puissant roman.

La première partie s’articule comme des tranches de vie, celles d’une petite fille blanche, instruite mais sauvageonne de l’Alabama de l’entre-deux-guerre. Entre autres activités, Scout, son frère et Dill, un garçon qui vient passer l’été à Maycomb, s’amusent à se faire peur en tentant d’apercevoir Boo Radley, un voisin qui ne sort jamais de chez lui.  

Et puis, survient un événement sur lequel le récit va se concentrer dans sa seconde partie. Atticus, le père, est chargé de défendre un Noir accusé du viol d’une Blanche – et puisqu’il n’est pas disposé à prendre sa tâche à la légère, comme le veut l’usage d’une justice expéditive dans ces circonstances, les ennuis commencent.

« - Attends, Billy ! intervint un troisième, tu sais que c’est le tribunal qui l’a commis d’office pour défendre ce nègre.

- Ouais, mais Atticus a réellement l’intention de le défendre, et c’est ça qui ne me plait pas« .

Une lecture que j’ai énormément apprécié pour le tableau qu’elle brosse des États-Unis. Un magnifique complément à la lecture d’Erskine Caldwell – dont les récits sont situés aux mêmes lieux et époques, mais du point de vue de paysans pauvres et sans instruction – et à celle de Richard Wright, du point de vue des Noirs, tant dans les États du Sud – Black Boy - qu’après l’immigration à Chicago dans les années 30 – Native Son.

Certes, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur n’est pas aussi cruel que le premier ou aussi poignant que le second. Pourtant, c’est une histoire que je n’oublierai pas, pour sa fraîcheur et pour son réalisme. Un récit sans demi-mesure, porté par un étrange regard d’enfant, à la fois naïf et intelligent, et qui donne à voir les pires bassesses comme le plus grand courage de l’être humain.    

C’était une lecture commune organisé par Anjelica et à laquelle s’est joint entre autres Manu, Choupynette, Evertkhorus, Liyah, Daniel Fattore, Frankie, Leylies, Mrs Pepys, Nathalie, Sybille, Calypso, Myteline, Elora, aBeiLLe et certainement d’autres encore… (je rajoute les liens dès que j’en trouve, n’hésitez pas à me le signaler en commentaire !).  Egalement les avis de Titine et Keisha.

Lu dans le cadre du challenge Littérature au féminin organisé par Littérama.

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Bonne plock à tous !

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (To kill a mockingbird), par Harper Lee (1960), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Stoïanov, aux éditions de Fallois (2005), 337 p., ISBN 978-2-87706-550-4.



Frankie & Johnnie, de Meyer Levin

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Il faut que je vous explique en deux mots comment ce petit bijou est arrivé entre mes palmes. Prêt d’une amie, qui me dit : ma naaan, tu vas aimer, ouiiii, c’est une histoire d’amour, mais ouiiii, ce livre est fait pour toi. Tiens donc.

Un livre court ? Situé aux States dans les années 1920 ? Un auteur américain que l’on présente comme annonciateur de Salinger et, plus largement, de toute une littérature américaine « qui se refuse à tricher avec les mots comme avec les sentiments«  (quatrième de couverture) ? Allons bon, pas le moindre prétexte valable sous la main… va pour l’histoire d’amour…

Et rapidement je découvre que ce livre est effectivement fait pour moi. Dès la première phrase en fait. « La fois où Frankie [diminutif de Frances] et Johnnie se rencontrèrent, c’était ce jour où Steve, un bras passé sur les épaules de Johnnie et l’autre sur le dossier du fauteuil de Frankie, lui avait dit : – C’est ma frangine« . C’en est fait de Johnnie qui tombe sous le charme de la jeune fille. Qui à son tour le lui rend bien.

On sait peu de choses de Johnnie et Frankie. Ils sont presque hors du temps. Le récit se limite - en grossissant à peine le trait - au regard qu’ils portent l’un sur l’autre, et au regard qu’ils portent sur ceux qui les regardent. Car la bienséance les rattrape. Frankie ne veut pas mettre à mal sa respectabilité, alors Johnnie commence à voir loin, à penser mariage, à réfléchir au coût d’un foyer, à imaginer Frankie portant un tablier dans un pavillon de banlieue – tout ça avec son regard teinté d’idiotie amoureuse et de réalisme amer.

Voilà pour l’histoire au sens strict. C’est tout ? Mais c’est ça le plus fou ! Moi qui ai longtemps pensé qu’une histoire sans intrigue truculente ne vaut pas le coup d’être lue (j’ai mis de l’eau dans mon vin depuis – enfin, un peu), j’ai été littéralement bluffée, conquise, aspirée. Comment ?

L’écriture de Meyer Levin y est certainement pour beaucoup. Fraîche et moderne, elle alterne les petits mots délicieux et le retour à la réalité vulgaire, paragraphe après paragraphe. Dès que la pente de la tendre idylle s’engage, l’auteur vient secouer le lecteur.

« Elle entra dans sa chambre et il la vit se mettre du rouge à lèvres devant la glace. Elle aussi, elle achetait du Kissproof. Il en avait déjà croisé, qui en demandait dans les drugstores. C’étaient les marie-couche-toi-là qui se servaient de ça.

Il eut envie de rire à la voir s’appliquer, et elle savait qu’il la regardait. Elle avait tout du chat qui se caresse le museau avec ses petites pattes, s’arrête un instant pour vous regarder puis remet ça. Il se demanda pourquoi les garçons étaient toujours épatés en regardant les filles se mettre du rouge à lèvres. C’était drôle, cette façon qu’elle avait de remuer la bouche comme un lapin« .

D’où cette ambiance pertinemment sur le fil, qui oscille entre volupté et pincement, laissant évidemment présager que cette histoire n’est peut-être qu’une parenthèse dorée qui va dans le mur.

Petite originalité :  le récit contient deux fins. Au dénouement originel de 1930, Levin ajoute quelques pages à l’occasion de la réédition de 1952. Les deux m’ont semblé aussi emplies d’amertume, loin, très loin de ces finish à l’américaine capable d’aplatir les plus belles montagnes.

Meyer Levin, un auteur moins prolifique que Steinbeck, Faulkner ou Hemingway, mais qui fait une entrée fracassante dans mon panthéon des grands américains.

Ma ouiiiii j’ai méchamment aimé ce bouquin. Un gros coup de coeur même !

Bonne plock à tous !

Frankie & Johnnie (The Young Lovers, Frankie & Johnnie), par Meyer Levin (1930-1952), traduit de l’anglais  (Etats-Unis) par Muriel Goldrajch, aux éditions Phébus (2005), 169 p., ISBN 978-2-7529-0067-8. 



Gatsby le magnifique, par Francis Scott Fitzgerald

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Gatsby - ou comment j’ai risqué de passer à côté du magnifique. 

Cela faisait un sacré bail que ce livre trônait dans ma bibliothèque – à me demander s’il n’avait pas le record d’ancienneté des livres non lus. Quelle conner… (oups, reprenons), quelle erreur donc d’avoir tant attendu pour découvrir ce roman. Il faut dire que la tentation avait été grande à plusieurs reprises, mais que le thème – la jeunesse dorée des années folles sur la côte Est des États-Unis – me butait un peu beaucoup quand même.

L’histoire, justement, la voici : Nick se souvient de l’été de ses trente ans passé dans la banlieue new-yorkaise. Il y retrouve une cousine éloignée, Daisy, son mari Tom et son amie Jordan. Ils le convient à dîner, un dîner plein de banalités, à peine réveillé par le coup de fil de la maîtresse de Tom. Le nom de son mystérieux voisin est cependant évoqué - ce mystérieux voisin qui donne party sur party dans son immense propriété, des réceptions dans lesquelles l’alcool coule à flot en dépit de la prohibition.

Nick, comme nombre de jeunes gens de la région, finit par s’y rendre régulièrement et fait la connaissance du fameux Gatsby. « J’avais causé avec lui une demi-douzaine de fois pendant le mois qui venait de s’écouler, et à mon vif désappointement, découvert qu’il n’avait pas grand chose à dire« . Ceci vaut même, à mon sens, de tout ce ballet de personnages pendant le premier tiers du roman. 

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Mais si je m’étais arrêtée là – et j’avoue, j’ai failli – j’aurai fait sans le savoir un fin loupé… La mise en place est certes longuette à mon goût, mais a rétrospectivement pris tout son sens.

Car ensuite,  la ronde des personnages s’enraye, la valse des futiles se grippe et les masques tombent. « Les invités étaient les mêmes, ou du moins, ils étaient du même genre, il y avait la même profusion de champagne, le même tumulte multicolore et polyphonique, mais je sentais dans l’air quelque chose de désagréable, une insidieuse âpreté qui n’existait pas auparavant« .

Les duos vont douloureusement se former et se déformer – un peu à la manière de la Règle du jeu de Renoir. Je ne peux pas en dire davantage sur l’intrigue (ou plutôt sur les intrigues) qui vont se jouer… elles sont simplement aussi terribles que savoureuses. Et ce final !

J’ai refermé Gatsby le magnifique totalement conquise, en me disant que ce roman mériterait presque, à l’instar de certains films, d’être lu une deuxième fois pour l’apprécier mieux encore.

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Et merci à Anjelica qui m’a permis cette lecture commune !

Bonne plock à tous !

Gatsby le magnifique (The great Gatsby), par Francis Scott Fitzgerald (1925), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Victor Liona, aux éditions Livre de Poche, 229 p.



La solitude lumineuse de Pablo Neruda

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Pablo Neruda s’est rappelé à mon bon souvenir grâce à aBeiLLe qui a eu la vraie bonne idée de choisir l’un de ses plus beaux poèmes le temps d’un dimanche poétique.

J’ai donc cherché à retrouver l’un de ses textes (assez court pour ne pas accabler ma PAL qui a bien dû entamer sa troisième boîte de prozac – à ma décharge, il était déjà sur mes étagères). La solitude Lumineuse s’est alors imposée comme une évidence.

Il s’agit d’un court récit écrit par un Neruda déjà célèbre – extrait de J’avoue que j’ai vécu, ses mémoires publiées à titre posthume. Le poète chilien se souvient ici de ses premières années d’écriture : jeune consul entre 1929 et 1932, il est installé, chichement, aux Indes, à Ceylan, en Indonésie. 

Il est seul. De cette solitude « dure comme le mur du prisonnier, contre lequel on peut s’ouvrir la tête sans que personne accoure, même si on crie, même si on pleure« .

Il est seul, notamment parce qu’il côtoie difficilement les occidentaux installés en Asie. Son propos sur le système colonial est particulièrement incisif. Comme à travers cet épisode dans lequel Neruda, se rendant à un dîner mondain, s’arrête un instant pour écouter une voix qui s’élève dans la rue. Il s’explique sur son retard devant ses hôtes anglais.  »Eux qui avaient vécu vingt-cinq ans à Ceylan montrèrent une surprise élégante. De la musique ? Ainsi les gens d’ici avaient leur musique ? Ils l’ignoraient. C’était la première nouvelle.«  

Il s’installe alors dans une « contemplation solitaire (…) [et] douloureuse« . Il la sait nécessaire, car « l’écrivain jeune ne peut écrire sans ce frisson de solitude« . Mais cette époque est, oui, incroyablement lumineuse. L’Asie, c’est un peu sa caverne, dont il sortira notamment par la musique et surtout en achevant son recueil Résidence sur la terre.

L’écrivain n’épargne personne, et surtout pas lui-même. Le regard de l’homme alors vieillissant n’est pas tendre avec le jeune homme qu’il était, et notamment sur son attitude envers les natives de ces pays.

Le récit s’achève sur un dialogue qui, rétrospectivement, fait froid dans le dos. Et c’est en définitive (et en dépit de scènes difficiles comme la chasse à l’éléphant), mon coup de coeur de ce début d’année 2010. Et je n’ai désormais qu’une envie, lire J’avoue que j’ai vécu dans son intégralité.

 

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C’était une superbe manière de préparer le voyage du challenge Bienvenue en Inde.  Ce n’était pas au programme – comme je l’explique plus haut. Mais ces généreux organisateurs que sont Soukee et Hilde m’ont permis de l’y intégrer puisqu’une partie du récit est situé en Inde.

Lu également par Soukee !

Bonne plock à tous !

La solitude Lumineuse, par Pablo Neruda (1973), extrait de J’avoue que j’ai vécu (Confesio que he vivido), aux éditions Gallimard, collection Folio (2€), 81 p., ISBN 978-2-070-31702-8.



Un enfant du Pays, par Richard Wright

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Qu’il est difficile de parler de ce livre terminé il y a quelques jours déjà : ce roman est poignant – on croirait le mot inventé pour lui. La boule au ventre qui s’est formée à la lecture me reprend furieusement lorsqu’il s’agit de l’évoquer.

Et qu’il est difficile également d’en parler sans vendre l’intrigue ! Contentons nous d’une mise en bouche : Bigger a une vingtaine d’année dans les années 30, il est extrêmement pauvre, il vit à Chicago – à Bronzeville dans le South Side, quartier réservé de facto aux afro-américains - avec sa mère, sa petite soeur, son petit frère, dans une seule pièce infestée de rats à 8 $ la semaine.

Ce matin là, c’est l’ordinaire, il mange peu, il erre avec deux-trois compères, ils projettent un énième braquage de magasin, Bigger est mort de trouille, à tel point qu’il manque de battre à mort l’un de ses comparses.

Ce soir là, il doit accepter un emploi de chauffeur dans une riche famille blanche de la ville, sur l’insistance de sa mère puisque l’expulsion les menace…

Le point de vue est terriblement intrusif : le roman n’est pas écrit à la première personne, mais le récit nous est livré à travers le regard de Bigger – et le procédé est diablement efficace. Un enfant du Pays peut d’ailleurs s’entendre d’un témoignage. Il n’est pas autobiographique (à la différence de Black Boy du même auteur), bien qu’il soit évident que l’auteur se soit inspiré de son vécu (le parcours de Richard Wright mérite certainement que l’on s’y arrête un instant, par exemple ici).

Ce n’est pas davantage un roman à thèse, ce n’est pas un manifeste, et pourtant il nous interpelle furieusement. Dans quelle mesure Bigger est-il responsable de ses actes ? Quelle est donc la part du déterminisme, et celle du libre arbitre, dans son terrible parcours ?

Bigger, un garçon « exclu de notre société et non assimilé par elle, aspirant cependant à satisfaire des impulsions similaires aux nôtres, mais privées de ces objectifs et des moyens d’y parvenir (…) chaque mouvement de son corps est une protestation inconsciente (…) chacun de ses regards est une menace« …

Voilà donc une histoire qui a de fortes résonances aujourd’hui encore… Certainement la marque d’un très grand livre.

Bonne plock à tous !

 

Un enfant du Pays (Native Son), par Richard Wright (1940), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hélène Bokanowski et Marcel Duhamel, éditions Albin Michel, Livre de Poche, 499 p., ISBN 2-07-037855-1.

 



Un p’tit gars de Géorgie (et Le petit arpent du bon Dieu aussi), par Caldwell

Tout bon dodo connaît la chanson : on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, et vlan, et vlan, petit chenapan… A ce petit jeu, voilà, mesdames-mesdemoiselles-messieurs, de la bonne, mais alors, de la très très bonne, littérature.

Caldwell, Erskine de son doux prénom, vous fait avaler ses bouquins comme du petit lait. C’est limpide, bien écrit, bien traduit*. Mais ça vous laisse ensuite avec un sale goût en bouche… parce que c’est glauque, mais glauque, comme vous n’avez pas idée. A la fois délicieux et infect ; ça force le respect.

Illustration avec ces deux romans situés dans le fin fond des États-Unis des années 30, nourris de la misère, la bétise, du racisme,du sexe crade… deux farces tragiques qui se lisent vite mais vous restent sur l’estomac longtemps après.

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Un p’tit gars de Géorgie plaira certainement aux amateurs  d’histoires brèves mais intenses. Le roman est construit par chapitres quasi-indépendants, comme des tranches de vie de la famille Stroup.

L’une de mes scènes préférées est tirée du chapitre VIII. Le p’tit gars et ce qui lui tient lieu de père se rendent au cirque de passage en ville. Devant la tente annonçant des filles nues, le dit père n’y tient plus : il lui faut les dix cents que son gamin avait économisé pour voir du rodéo. Il finit par l’avoir en lui serrant le bras et en « tirant dessus de toute ses forces« … sans oublier bien sûr de garder la monnaie, le bougre.

Le Petit arpent du bon Dieu fut quant à lui poursuivi pour obscénité au moment de sa publication américaine. Le livre est construit comme une bouffonnerie, risible si elle n’était si cruelle. A ceux qui ont lu Les raisins de la colère : vous êtes vous déjà imaginé ce qu’aurait été la vie des Joad s’ils n’avaient point quitté la côte est ? Alors vous y êtes.

* Pour ne rien gâcher, regardez donc qui se cache derrière la traduction de ce dernier roman : un certain Maurice Coindreau, rien que ça. Vous qui pestez tant et bien sur les mauvaises VF (oui vous ! Et moi ! Et on a bien raison !), attendez de lire ce qu’en dit André Maurois dans sa préface : « Jamais transposition plus exacte d’un texte étranger ne fut donnée au lecteur français« . Ça vous pose un homme dites !

Bonne plock à tous !

 

Un p’tit gars de Géorgie (Georgia Boy), par Caldwell (1949), traduit de l’anglais (américain) par Louis-Marcel Raymond, aux éditions Gallimard, collection Folio, 183 p.

Le petit arpent du bon Dieu (God’s Little Acre), par Caldwell (1936), préface André Maurois, traduit de l’anglais (américain) par Maurice Coindreau, aux éditions Gallimard, collection Folio, 270 p.



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