Sur la route – Le rouleau original, par Jack Kerouac 2 juillet
« Ma garce de vie s’est mise à danser devant mes yeux, et j’ai compris que quoi qu’on fasse, au fond, on perd son temps, alors autant choisir la folie« .
Ce n’était pas au programme, mais je n’y tiens plus, j’ai envie, j’ai besoin de parler de cette lecture incroyable que je viens de terminer. Cela fait une semaine que je suis plongée dans ce « truc de dingue », il n’y a pas d’autres mots. D’ailleurs, avant d’être une histoire folle, ce livre a une histoire folle, parfaitement expliquée par le quatrième de couverture – à lire, une fois n’est pas coutume, absolument :
« Avec l’arrivée de Neal a commencé cette partie de ma vie qu’on pourrait appeler ma vie sur la route. Neal, c’est le type idéal, pour la route, parce que lui, il y est né, sur la route… ». Neal Cassidy, chauffard génial, prophète gigolo à la bisexualité triomphante, pique-assiette inspiré et vagabond mystique, est assurément la plus grande rencontre de Jack Kerouac, avec Allen Ginsberg et William Burroughs, autres compagnons d’équipées qui apparaissent ici sous leurs vrais noms. La virée, dans sa bande originale : un long ruban de papier, analogue à celui de la route, sur lequel l’auteur a crépité son texte sans s’arrêter, page unique, paragraphe unique. Aujourd’hui, voici que l’on peut lire ces chants de l’innocence et de l’expérience à la fois, dans leurs accents libertaires et leur lyrisme vibrant ; aujourd’hui on peut entendre dans ses pulsations d’origine le verbe de Kerouac, avec ses syncopes et ses envolées, long comme une phase de sax ténor dans le noir. Telle est la route, fête mobile, traversées incessantes de la nuit américaine, célébration de l’éphémère.
« Quand tout le monde sera mort, a écrit Ginsberg, le roman sera publié dans toute sa folie ». Dont acte« .
Tout est dit, sauf peut-être le plus important : attention, chef d’oeuvre. Livre clé de la culture américaine underground, Sur la route – Le rouleau original est un hymne à la liberté, à l’aventure, à la vie. Jack Kerouac nous embarque pour un road-movie psychédélique et vertigineux. Avec Neal et d’autres, ils vont traverser l’Amérique une fois (1947), deux fois (1949), trois fois (1951), de New York à San Francisco, en passant par Denver, Los Angeles, le Texas, le Mexique, les hôtels sordides et les trips les plus fous.
Parler de ce livre, c’est aussi parler de son histoire. Sur la route a eu plusieurs vie. Écrit d’une traite, d’un jet, il fut ensuite retouchée et c’est la version remaniée qui a été éditée et vendue pendant des années. Jusqu’à ce que le rouleau original nous soit restitué, le chapitre – que dis-je, le paragraphe – unique nous soit rendu, les passages les plus indécents révélés et les protagonistes enfin nommés.
Pourquoi un tel traficotage – avec l’accord de Kerouac lui-même ? Parce que Allen Ginsberg et William Burroughs sont devenus à leurs tours des écrivains célèbres ? Parce que certains ont pu considérer que ce livre faisait l’apologie du sexe libre et des drogues, même les plus dures ? Parce que ce texte sous sa forme originelle, sans la moindre mise en page, a pu sembler imbitable de prime abord ?
Après tout, peu importe : enfin, nous pouvons lire Kerouac, nous pouvons lire du Kerouac, son écriture authentique, spontanée, cette « littérature de l’instant » vicieuse et enivrante, sauvage et démesurée. Quand la pierre brute devient pierre précieuse. Ce n’est même plus un coup de coeur, c’est un coup au coeur, un coup à l’estomac, un coup de génie. Inoubliable.
Sur la route – Le rouleau original de Jack Kerouac, un livre, que dis-je, un Livre, qui s’inscrit dans les plus grandes oeuvres qui m’ait été donné de lire. Tous mes remerciements à Alapage (un lien vers ses romans pas chers) qui propose décidément un excellente sélection dans ses partenariats.
Tout frais tout chaud aussi : l’avis d’Ofelia . Ont également lu cette nouvelle édition Delphine et La Ruelle Bleue, qui a inséré des extraits et des interviews de Kerouac dans un billet très complet : le tout est passionnant.
Bonne plock à tous !
Sur la route – Le rouleau original (On the Road – The Original Scroll), par Jack Kerouac (1957), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, aux éditions Gallimard (2010) avec de nombreuses préfaces, 504 p., ISBN 978-2-07-012183.
Cynthia 2 juillet
Comment résister devant un tel enthousiasme?!? Déjà noté mais je surligne au fluo
clara 2 juillet
surligné au fulo !
keisha 2 juillet
Hé bé!
Sinon, j’ai entendu parler de ce roman « rouleau original » à la radio ,on expliquait qu’en fait pour ne pas avoir à changer de feuille et être coupé dans son inspiration ou écriture, l’auteur avait utilisé un rouleau genre anciens rouleaux de fax (si tu as connu cela)sur sa machine à écrire.
Quant au contenu, là, tu fais fort pour donner envie!
la ruelle bleue 2 juillet
Suis-je donc bête ! J’ai cru que tu étais sans voix, sous le coup de l’émotion après ta lecture… mais que nenni, il y a bien un billet !
J’adore que les gens soient enthousiastes comme toi !
Pour ma part, je poste demain un article qui ne sera pas sans lien avec Kerouac (c’est pour ça entre autres qu’ils se succèdent)… A suivre donc !
Ingannmic 2 juillet
C’est marrant, j’ai toujours eu un a priori sur ce roman, que j’imagine ennuyeux… je ne sais pas pourquoi…
En tout cas, tu m’as convaincue !
Ys 2 juillet
Quel bel enthousiasme : merci et bravo ! Moi qui suis en plein Grands Américains, ce livre-là m’interpelle évidemment, son tour viendra, il serait temps…
Delphine 2 juillet
Ah, je m’étais décidée enfin à attaquer ce livre mythique !
Mais là, je suis convaincue qu’il faut lire CETTE version, j’ai eu raison d’attendre finalement
Et là, j’ai carrément envie de le lire tout de suite, là !!
Merci donc
Pickwick 3 juillet
@ Cynthia : c’est une lecture assez « spéciale », tant pour la forme et pour le fond, mais j’ai adoré ! Et j’ai donc très envie de le recommander
!
@ Clara : décidément, vous avez fait une razzia de fluo les filles
! J’ai très envie de dire : à lire, ne serait-ce que pour découvrir ce style étrange !
@ Keisha : oui, j’ai lu ça également, un truc assez fou qui se ressent parfaitement à la lecture de cette édition ! Aucune mise en page, pas le moindre retour à la ligne ! Et là je crois qu’on peut dire que la forme influe vraiment sur le fond. Spécial mais génial, je commence à me dire que l’on peut vraiment adorer ou détester ! A feuiller en tout cas, ça vaut le coup d’oeil !
@ La ruelle bleue : c’est moi qui suis nouille, je n’ai pas été claire du tout dans mon comm’ chez toi ! Mais à relire mon billet ce matin à froid (et surtout après avoir lu ton billet ultra bon), je me dis que j’aurai du laisser décanter… sauf que j’ai été prise dans le feu de cette écriture de l’instant ! Et je file voir ton nouveau billet du jour !
@ Ingannmic : oui, le coté road-movie peut avoir un coté répétitif et lassant a priori, je comprends bien cette impression ! Ici pourtant, non seulement il se passe toujours quelque chose, mais surtout, plus Kerouac voyage/écrit, plus son regard se fait perçant et passionnant. Quelque chose me dit que tu pourrais beaucoup aimer, les grands espaces américains, la culture underground, l’anti-american way of life… je te le recommande chaudement !
@ Ys : j’ai très envie de le recommander, tout spécialement aux amateurs de littérature américaine, et je sais que tu en es ! Un livre clé pour plonger dans les mouvements contestataires US d’après-guerre. Et, honf’, un peu beaucoup emballée, mais je sais d’ores et déjà que ce livre fera date dans mes lectures !
@ Delphine : de rien, merci à toi de partager mon enthousiasme, j’adore ça ! Ma libraire m’avait mis en garde contre l’ancienne édition il y a qq années, je comprends vraiment pourquoi aujourd’hui ! PLus de censure sur leurs faits et gestes ou sur les patronymes, plus d’ »arrangement » avec le style Kerouac… bref, authentique !
Manu 3 juillet
Ben je dois avouer que je me suis royalement emm… à la lecture de ce livre qui est un des seuls que j’ai abandonné ! Un de nos premiers désaccords
lol
L’Ogresse 4 juillet
Lu il y a des annees lumieres, j’ai enclenche le pilote automatique tres rapidement – pas pour moi, mais ravie que tu aies passe un super moment de lecture.
Pickwick 4 juillet
@ Manu : zut, un désaccord *snif*
Je comprends que cela puisse lasser, moi j’ai adoré me laisser bringueballer, j’avais hâte de reprendre la route – heu… le livre ! Ma fascination pour les grands espaces, les voyages, les States côté verso, etc. y est certainement pour beaucoup !
@ L’Ogresse : peut-etre la version originale permet-elle davantage de se plonger littéralement dans le livre ? L’écriture continue m’a vraiment permis de ‘triper’ ! Peut-etre à retenter avec cette édition ?
Ofelia 5 juillet
A lire absolument. Exactement.
Lilly 6 juillet
Je le vois partout en ce moment. Dès que je suis riche, je l’achète (bon, je crois que je ferais mieux de le voler…) !
mango 6 juillet
C’est un de mes livres cultes aussi. Mais il me faut absolument lire cette nouvelle édition, plus complète! Tu m’apprends son existence!
choco 6 juillet
Un livre culte quand j’étais ado. Découvrir la version originale m’emballerait beaucoup ! Il faudrait que je me l’offre celui là
Pickwick 6 juillet
@ Ofelia : j’aime quand tu es si directive…
!!
@ Lilly : je n’ai rien vu rien entendu
! Parce que là, je me sens un peu beaucoup complice ma bonne dame
@ Mango : ah si tu as aimé la première version « softisée » (hem), cette nouvelle édition devrait te plaire ! En tout cas je l’espère !
@ Choco : ah, là, oui, indispensable ! Un peu cher, mais je crois que ça vaut le coup, tu ne devrais pas être deçue !
Delphine 7 août
Bon ça y’est, je l’ai lu, ça valait la peine d’attendre cette version, phénoménale
Quel livre, quelle expérience !
J’ai publié mon billet aujourd’hui, j’ai mis un lien vers le tien car tu m’avais définitivement convaincue de m’attaquer à cette lecture.
Suzanne 15 août
L’ai lu il y a des années et me souviens d’un très bon moment de lecture. Ton avis m’a fait le ressortir de ma bibliothèque et de le déposer sur ma pile des à relire.
Superbe commentaire, bravo.
Pickwick 16 août
@ Delphine : merci pour le lien ! Et je suis très heureuse que tu ais vécu une expérience de lecture semble-t-il assez proche de la mienne, un « truc de dingue » pour parler vrai
!
@ Suzanne : puisque tu as déjà lu la version « traficotée » (avec l’accord de Kerouac tout de même) je te conseille vraiment cette version authentique (« Le rouleau original ») qui vient de sortir et qui a suscité mon billet enthousiaste !