Marie-Antoinette, par Stefan Zweig et par Sofia Coppola

487129769s.jpg« C’est dans le malheur que l’on sent davantage ce que l’on est« 

Stefan Zweig m’avait déjà conquise avec la biographie de Balzac ; il m’a ici totalement subjugué avec celle de Marie-Antoinette. Et pourtant, ce n’était pas gagné d’avance ! Le sujet n’était pas de celui pour lequel je porte un réel intérêt a priori ; ce n’est pas davantage un sujet admirable comme peut l’être la dame de Nohant.  Mon sentiment est donc  totalement inversé par rapport à la biographie de George Sand. Car quel plaisir de lecture !

Stefan Zweig a choisi, de manière fort judicieuse, de raconter l’histoire de Marie-Antoinette par épisodes, par chapitres thématisés, tout en suivant globalement la chronologie des événements. On est loin d’un passif enchaînement de faits. On est  également loin de la simple description : le niveau d’analyse psychologique dans lequel se situe le biographe est impressionnant. Jamais dans la compassion ou le dénigrement : tout est dans l’explication. Ou pourquoi et comment Marie-Antoinette est passée de la timide dauphine à la reine frivole, puis à la mère assagie, et enfin à la femme digne sur la fin de sa vie. 

Mais surtout, Stefan Zweig réussi un tour de force incroyable, en particulier lorsqu’il aborde la décadence de Marie-Antoinette : accroître l’intérêt du lecteur à mesure que ce destin s’emballe et introduire ainsi un véritable suspens. Fou, puisque je savais évidemment ce que la suite lui réserve ! L’épisode de la fuite et de l’arrestation à Varennes par exemple prend des airs de thriller. C’est impressionnant – et on a vu des polars bien moins haletants ! 

Un immense plaisir de lecture pour une biographie que je n’ai pas pu lâcher en cours de route. Alors que je pensais la lire sur plusieurs semaines, et l’entrecouper d’autres lectures, je l’ai dévoré en quelques jours et il m’était impossible d’ouvrir un autre livre. Rarement une biographie m’aura autant passionné.

Edit du 30/07 : ah les grands esprits… un billet sur cette même bio a été déposée le même jour par une blogueuse québécoise que je découvre par la même occasion : l’avis de Suzan, mais aussi de Karine:) qui m’avait donné une vraie envie de le lire ! 

Lu dans le cadre du Challenge Ich Liebe Zweig, organisé par Karine:) et Caro[line] ! Je boucle ainsi un deuxième tour de la version baby !

Ich Liebe Zweig

*****

coppola.jpeg« - Tout cela est ridicule » ; « - Tout cela, madame, est Versailles« . 

A peine le livre terminé, j’ai souhaité visionner le Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Contrairement à ce que j’imaginais – je ne sais pas pourquoi, on se fait des idées parfois… bref – son parti pris est sensiblement le même que celui de Stefan Zweig : mettre en évidence la grandeur et la décadence de Marie-Antoinette.

Certes, pour la réalisatrice, l’accent est mis essentiellement sur le tourbillon de fêtes que fût un moment de sa vie, bien plus ciné-génique. Le récit s’interrompt d’ailleurs en 1789 (tandis que la fin de la royauté occupe plus du dernier tiers de la bio de Stefan Zweig), pour lier définitivement son destin à Versailles.

Mais l’abdication et la chute sont magnifiquement suggérées. Au final, il ne m’est pas apparu de  véritable différence de nature dans les points de vue, simplement une différence de degré : dans le film, certains événements sont mis en lumière tandis que d’autres sont simplement évoqués, mais bien présents – à l’exception de la fameuse affaire du collier, totalement occultée. 

Il n’est qu’un seul point de divergence évident : pour Zweig, la relation entre Marie-Antoinette et Fersen fut largement platonique (selon lui, elle n’aurait commis l’adultère qu’après la naissance de ses enfants, voire sur la toute fin de sa vie) ; pour Coppola en revanche, ils furent rapidement amants et le film n’exclue pas l’idée, évoquée parfois, que Fersen soit le véritable géniteur de Louis XVII, son deuxième fils.

Inutile d’insister sur le côté rock’n roll – la musique, les anachronismes volontaires, les costumes et les coiffures – qui donne toute sa saveur au film. J’ai vraiment tout apprécié… sauf peut-être Kirsten Dunst. Je me suis surprise à penser qu’une actrice plus charismatique aurait pu donner plus de force au personnage. Elle m’a même semblé éteinte par moment et surtout trop fragile dans la dernière partie : lorsqu’il est démontré que Marie-Antoinette gagne en maturité, elle n’est selon moi plus crédible… Bref, elle ne m’a pas semblé porter le film jusqu’au bout. Dommage, car mis à part l’actrice fétiche de Sofia Coppola, j’ai trouvé le reste du casting parfait ! 

Je ne suis pas inscrite, mais pour les amateurs d’adaptations, un petit renvoi vers le challenge Lunettes noires sur Pages blanches, organisé par Fashion !

Bonne plock à tous !

 

Marie-Antoinette, par Stefan Zweig (1933), traduit de l’allemand par Alzir Hella, aux éditions Livre de poche (1963), 497 p.

Marie-Antoinette, film réalisé par Sofia Coppola (2005), avec Kirsten Dunst, Asia Argento, Marianne Faithfull…



George Sand, ou Le scandale de la liberté, par Jospeh Barry

images1.jpeg « Il fallut du temps à Aurore pour se créer. Mais George Sand fut son chef d’oeuvre »

Tout le monde n’a pas le talent de biographe de Stefan Zweig. Voilà une entrée en matière un peu dure, mais après avoir savouré les bios de Balzac et de Marie-Antoinette (billet à venir), force est de constater que le plaisir de lecture n’était pas toujours au rendez-vous avec celle de George Sand.

Le sujet est pourtant passionnant… une femme si peu conventionnelle, déjà avant-gardiste à son époque et qui l’est encore largement au XXIe siècle. Adepte de l’amour libre, toujours bien entourée, claire-voyante et combative… Une personnalité follement riche, qui réunit en un tout ce triptyque improbable de l’être à la fois maternel, sensuel et intellectuel. Bigre. II est évidemment impossible de résumer sa vie en quelques lignes…  il est essentiellement des constantes – l’amour, l’amitié, Nohant – mais toujours vécues avec passion. Bref, le sujet est admirable, mais je ne peux pas en dire autant de son traitement.

Certes, le biographe a fait un travail quantitativement remarquable. Le texte est d’abord factuel, documenté à l’extrême, mais n’est pas non plus avare d’analyses. Le sujet est hors-norme et l’auteur a su le mettre en évidence. Et le lecteur n’est jamais perdu : il est de nombreuses précisions chronologiques et contextuelles qui donnent de la hauteur à la lecture. Autre point remarquable : Joseph Barry donne à voir l’influence des écrits de George Sand sur ses contemporains ou sur les générations suivantes, mais aussi un aperçu du milieu intellectuel de l’époque, puisque l’on croise Musset et Chopin bien sûr, mais aussi Balzac, Flaubert, Mérimée, Litz…  une formidable chronique du Paris des artistes au XIXe apparaît en filigranes.

Mais le biographe semble avoir eu davantage le souci de l’exhaustivité que celui de la synthèse. Et tout ça au détriment de l’essentiel, souvent noyé au milieu d’événements sans grand intérêt. Jospeh Barry donne parfois l’impression de suivre ses trouvailles, dans la correspondance de l’écrivain ou dans les écrits de ceux qui l’ont connu, sans se soucier de leur pertinence. Il faut dire qu’il est beaucoup de romances dans la vie de George Sand, et que je finissais par me lasser d’une énième lettre de rupture qui ressemblaient à s’y méprendre aux précédentes… Les amateurs du genre épistolaire apprécieront certainement davantage.

Il reste tout de même une belle mise en valeur de l’écrivain, dans son quotidien et dans sa postérité, dans ses faiblesses – Jospeh Barry n’est pas toujours tendre avec George Sand, notamment dans ses rapports avec sa fille – mais surtout dans ce qui fait sa force et sa particularité.

« George Sand comprenait clairement que la grande illusion romantique était « la grande passion », avec le déclin qui s’ensuivait de l’amitié entre les hommes et les femmes, de la tendresse et du respect. Si bien que les femmes qui voulaient s’élever au dessus de l’idée qu’on se faisait d’elles – la mère-épouse ou la prostituée-maîtresse – se comportaient en homme. Autrement dit, elles-mêmes se percevaient et se comportaient comme le faisait les hommes de leur époque pour parvenir à la seule égalité et accomplissement de soi alors possible« .

Les quelques longueurs n’ont tout de même pas gâché ma lecture. De quoi découvrir en profondeur cette écrivaine qui m’a paru fondamentalement humaniste avant d’être féministe ou romantique. Une personnalité incomparable pour une lecture vraiment enrichissante !

Lu dans le cadre du Challenge George Sand, organisé par George Sand !

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Bonne plock à tous !

George Sand, ou Le scandale de la liberté (Infamous Woman – The life of George Sand), par Jospeh Barry (1977), traduit de l’anglais (américain) par Marie-France de Paloméra, aux éditions Points (1982), 511 p., ISBN 2-02-006733-1. 



Un Swap Scandinavia ! (et résultats du concours)

Un Swap Scandinavia est organisé par Isleene ! J’avais décidé de freiner les swaps, mais c’était sans compter avec ce thème de rêve. Avis aux amoureux de l’Europe du Nord, des fjords, des rennes, et tout spécialement de la littérature scandinave… inscription jusqu’au 31 juillet, toutes les infos et renseignements ici.

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C’est également l’heure des résultats du concours organisé à l’occasion du deminiversaire de ce blog ! Voici le podium des billets les plus visités, dans l’ordre : Sukkwan Island, 3e avec 211 visites (au jour du concours : eh oui, ce billet est trop récent pour avoir fait exploser les compteurs !), La lamentation du prépuce, 2e avec 279 visites, et enfin, Orages Ordinaires, 1er avec 288 visites ! Ce titre vient juste de sortir en France, ce billet est le plus anciens des trois et fût un temps recensé par Alapage, ceci expliquant certainement cela…

Vous avez été très nombreux à participer et je en vous remercie vivement ! Mais les résultats ne donneront même pas lieu à un tirage au sort.. car seule Kathel a donné la bonne réponse ! Bravo à toi – je te contacte pour te faire parvenir un petit colis au plus vite !

Je profite enfin de ce billet pour remercier…

Stephanie, qui m’a vraiment bien conseillé dans le choix d’un titre pour ma première participation aux Harlequinades 2010 : Brûlantes retrouvailles, un titre à la fois coquinou et pathétique à souhait, parfait quoi, en tout cas dans ce que j’ai pu lire jusqu’à maintenant. C’est – pffff ! – c’est quelque chose oui. Je me recoiffe et je vous dis quoi tout bientôt.

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… et Liliba chez qui j’ai gagné un sac de lecture – et qui organise une deuxième session – sac que j’ai reçu hier ! Foncez, il est vraiment sympa et solide, de quoi transporter de bons kilos de bouquins !

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Bonne plock à tous !



Swap fait moi plaisiiiiir : le dénouement !

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Un swap organisé par l’adorable Liyah et qui fait plaisiiiiiiir ? J’ai dit oui bien sûr ! Et j’ai rudement bien fait car j’ai été gâtée de chez gâtée !

Zieutez donc cette foultitude de paquets…

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… qui renferment une foultitude de livres ! 8 livres – oui oui- 8 !!! Gâtée de chez gâtée j’vous dis !

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D’abord, plein des polars :

- Robe de mariée, de Pierre Lemaitre, que je voulais lire après avoir vu moult avis positifs sur la blogo !

- Les ombres de Chicago, de Linnet Bruden, pour un crime dans les bas fonds d’une ville qui me fascine…

- Hématome, de Maud Mayeras, une « lecture coup de poing » comme je les aime m’annonce ma swappeuse !

- L’âme du mal, de Maxime Chattam, un auteur que j’ai envie de découvrir depuis longtemps !

Mais aussi des romans :

- Dégâts des eaux, par Donald Westlake, l’auteur préféré de ma swappeuse ! « Une gigantesque histoire de fous follement captivante » annonce la couverture, exactement ce que j’aime !

- Le moindres des mondes, par Sjon, un auteur islandais, qui est aussi le parolier de Bjork, moi qui adore les récits scandinaves !

- Un endroit où se cacher, par Joyce Carol Oates !!! Je raffole de cette auteur, j’avais très envie de lire ce roman comme je l’avais indiqué dans mon questionnaire… merci !!!

- Et une belle attention qui m’a fait très plaisir : Le goût de Lyon, un livre sur ma ville d’adoption que j’adore ! Il s’agit d’un recueil de texte signés de grands auteurs sur cette très belle ville… j’ai hâte de le chroniquer pour vous donner envie de la découvrir !

Mais ce n’est pas tout : il y a aussi…

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- un DVD, Vanilla Sky, de la bonne époque de Tom Cruise, un film à clé comme je les aime me dit ma swappeuse (que je rassure : non je ne l’ai jamais vu !)

- de très beaux marque-pages impressionnistes, dont l’un est magnétique ! Ma swappeuse ne pouvait pas le savoir, mais cela touche tout spécialement mon « quart normand » (de mon grand-père paternel… oui, mes quatre grands-parents étaient de quatre coins bien différents, et même si le Berry et les Flandres sont tout spécialement dans mon coeur, la Normandie où j’ai encore de la famille éloignée résonne toujours un peu en moi !)

N’oublions pas les gourmandises : des chamalows goût fraises tagada (je suis obligée de me battre avec Mr Pickwick pour en sauver quelques uns, ché trop bon), de la barbapapa (enfin, il y en avait !) et du thé blanc ! J’ai goûté pour la première fois hier, c’est divin !

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Et surtout, le colis contenait une réalisation de ma swappeuse, sous forme de puzzle ! J’adore l’idée et je la trouve très réussie !

Bref, un magnifique colis qui m’a fait ultra plaisiiiiiir !!!

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Un énorme MERCI à Bouma !

Tu as fait d’excellents choix dans la préparation du colis, un colis très personnalisé qui me touche énormément ! Et tu m’as tellement gâtée, j’en suis presque confuse ! Merci mille fois donc !

Et pour voir les autres colis, un petit clic chez Liyah !

Bonne plock à tous !

Edit : j’ai pris aussi un réel plaisiiiir à swapper Yoshi !



Catalène Rocca, par Jean-François Delapré

  En haut de la pile « Pour reconnaître, il faut connaître« .

Il était un libraire qui rencontrait de drôles de clients… Catalène Rocca d’abord, une femme à la recherche d’un livre introuvable ; L’homme au manteau de pluie ensuite, un client discret  – et pour cause…

Ce tout petit livre contient deux petites nouvelles qui nous sont racontées avec une grande douceur, et qui sont chacune ponctuées d’une chute vraiment ravissante. La plume  de Jean-François Delapré résonne à merveille. Ainsi lorsque le libraire se dirige vers Catalène Rocca : sans qu’il soit besoin que le narrateur le dise explicitement, on sait, on sent qu’il est en train, là qu’il nous parle, d’aller à la rencontre de cette cliente ; chaque paragraphe semble marquer un pas supplémentaire qui les rapproche un peu plus. C’est surprenant de justesse.

On se laisse embarquer avec grand plaisir dans cette lecture, une lecture apaisante, à la fois délicate et amusante, dont je suis ressortie le sourire aux lèvres. Je n’ai d’ailleurs aucun scrupule à vous donner envie de le lire ! Ce livre est tellement court, il se lit en quelques minutes – à moins que, comme moi, vous ne preniez le temps de le relire encore et encore… par pure gourmandise ! Et ces impressions de libraires parleront certainement à tous les lecteurs…

« Je n’en menais pas large. Tous les jours, nous avions droit à ce genre de demande, des ouvrages dont on avait entendu des bribes à la radio, vu passer la couverture à la télé (une couverture blanche avec le titre en rouge…). La plupart du temps, nous finissions par trouver le livre dont il s’agissait, et si nous ne l’avions pas, nous pouvions le commander. Il suffisait d’un sourire, d’un délai raisonnable« .

Je remercie vivement Clara pour m’avoir fait suivre ce petit livre ! Également les avis de Keisha, Cécile, Lou et Maggie, et d’autres avis encore recensés chez BOB !

Bonne plock à tous !

Catalène Rocca, suivi de L’homme au manteau de pluie, par Jean-François Delapré (2010), aux éditions de la Table Ronde, 45 p., ISBN 978-267103-3170-4.



La Reine des pommes, par Chester Himes

  En haut de la pile« On pouvait se faire égorger sans crainte d’être dérangé »

Jackson est tellement naïf… Il n’a pas réalisé que cette histoire de billets qui font miraculeusement « des petits » est une belle arnaque dont il était le parfait pigeon. Et il ne voit pas davantage que sa petite amie Imabelle est de mèche avec les escrocs. Convaincu que la bande avec qui elle s’est enfuie la retient contre son gré, il n’a qu’une idée en tête : délivrer sa bien-aimée de leurs sales pattes. Il demande alors de l’aide à son frère Goldy, personnage haut en couleur qui sillonne Harlem déguisé en bonne soeur, vendant des tickets d’entrée au paradis pour se payer sa dose, et ne voit pas davantage que celui-ci cherche à le doubler, avant tout motivé par l’appât du gain.   

La Reine des pommes est un récit vif, bourré d’action et d’humour, où l’on ne s’ennuie pas un instant. Quel rythme ! Et quels personnages aussi ! Jackson évolue dans un monde d’escrocs, de toxico, de joueurs, de prostituées, d’assassins – voir tout cela à la fois – particulièrement cruels dans leur volonté de s’en sortir à tout prix au détriment des autres. Et les deux flics, délicieusement surnommés Fossoyeur et Cercueil – dont c’est ici la première apparition sous la plume de l’auteur – ne vont franchement pas relever le niveau des crapules auxquels ils ont affaire.

Un polar ? La Reine des pommes en prend parfois le chemin et dégage un vrai suspens, en particulier dans sa dernière partie. Mais c’est aussi – et peut-être même avant tout – un récit qui oscille entre farce et roman noir, plongeant le lecteur dans une atmosphère parfois très glauque. Car Chester Himes porte un regard sans concession sur Harlem. Il dépeint une société violente où la bêtise des uns n’a d’égale que la méchanceté des autres, offrant un récit drôle et brutal de Candide au pays du banditisme.

Mais c’est surtout le style de Chester Himes qui donne toute sa saveur à ce récit. Une plume inventive, fluide, truffée d’expressions loufoques. Lorsque Jackson sursaute, il manque de « sortir de sa propre peau » et lorsqu’il est assommé, c’est « sous la caresse d’une crosse de pistolet« . Et plus que tout, c’est le « parlé vrai », le langage argotique et parfois grossier des dialogues qui donne tout son réalisme à cette histoire, somme toute assez déjantée.

« - Écoute-moi gars. Les mirontons qui t’ont empilé, eh bien, ils sont recherchés par la police du Mississipi, pour avoir rectifié un Blanc. Ces mecs-là sont dangereux. Si tu sors avec un pistolet, t’es sûr de te faire descendre. C’est tout ce que tu vas y gagner. Et ça l’avancerait à quoi, ta femme, si t’es buté ?

- Je vais les feinter, moi, ces mecs, déclara Jackson rageur.

- T’es fou à lier, mon gars. Tu sais même pas où ils se planquent.

- Je les trouverai, même si je dois sonder toutes les caves de Harlem.

- Mec, saint Pierre lui-même, il connaît pas toutes les caves de Harlem« .

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Une excellente lecture et un grand merci à Manu qui a vraiment fait un très bon choix en m’offrant ce livre à l’occasion du Swap’in Follies ! J’ai désormais très envie de découvrir plus en avant cet auteur au parcours atypique.

Bonne plock à tous !

La Reine des pommes (The Five Cornered Square), par Chester Himes (1958),  traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Minnie Danzas, aux éditions Folio (2009), 282 p., ISBN 978-2-07-040811-5.



Bloganniversaire (avec concours) !

Dans quelques jours, dans quelques heures mêmes, ce petit blog fêtera son demi-n’anniversaire… Loin des années d’expériences blogosphériques, je voulais tout de même dire un petit mot pour marquer le coup des 6 mois de création de ce blog !

6 mois de blogs, soit 63 titres chroniqués, dont 5 coups de coeurs, 3 concours organisés et 2 livres gagnés, 4 swaps (plus 2 en cours), 1 très beau cadeau venu de l’autre côté de l’atlantique, 8 livres-voyageurs, 2 salons du livre, 18 challenges (dont 3 accomplis et 1 co-organisé ici !), 8 blogueurs et blogueuses rencontrés in real life, moult tags, et bien sûr, bien sûr, l’apparition d’une PAL à mes yeux gigantesque…

6 mois de blogs, c’est aussi 115 articles, 27906 « hits » et 14301 « visites » à ce jour (ne me demandez pas à quoi cela correspond exactement) et 1779 commentaires (-438 signés bibi) à ce jour, soit… je n’ai pas compté, mais merci à tous pour vos messages !

6 mois de blogs, c’est aussi et surtout, 1 tonne 5 de bonheur (à la louche), 712428 fous rire (ou quelque chose de cet ordre là), 1 grosse frayeur, et même quelques moments d’émotion pure (grandes folles que vous êtes). Impossible de résumer en quelques mots la joie qui est la mienne d’être de cette belle aventure, sauf à dire que j’aime la blogo du fond de mon petit coeur. Une pensée particulière à celles qui m’ont aidé à démarrer sur la toile et aux blogueuses qui m’accompagnent régulièrement, et un grand merci à tous !

Et justement, pour vous remercier, je propose un petit concours… 

Quel titre chroniqué sur ce blog a suscité le plus grand nombre de visites ?

- La lamentation du prépuce, de Shalom Auslander

- Orages ordinaires, de William Boyd,

- Sukkwan Island, de David Vann

Participation ouverte à tous ceux ayant déjà laissé un commentaire sur ce blog et ce jusqu’au samedi 24 juillet (20h). Un tirage au sort parmi les bonnes réponses.

Quant à ce blog, il a déjà reçu son cadeau : une nouvelle bannière signée Petite étoile sadique que je remercie infiniment ! You’re great !

Bonne block à tous ! 



Made in China, par J.M. Erre

97827578119621.gif « Le vrai héros n’urine pas (Écrire un roman ? Fastoche !, p. 112.)« 

Toussaint Legoupil n’est pas rendu. Enfant adopté, né en Chine mais noir de peau, élevé par des parents impossibles dans un village de Provence entièrement dévoué à une secte grotesque, son destin est peu… conventionnel dirons-nous. Lorsqu’il décide de quitter cette vie (que c’est étonnant !) pour retrouver la trace de sa mère biologique, c’eut été trop beau que tout se passe comme prévu. Aidé par (ou plutôt affublé contre son gré de) son amour de jeunesse, la très spéciale Mimi, ce qu’il découvre en Chine va de pis en pis… bref, non, Toussaint n’est pas rendu.

Ce n’est pas peu dire que j’avais adoré les précédents romans du même auteur, Prenez soin du chien et surtout Série Z pour lequel j’ai eu un gros coup de coeur (et qui repartira en livre-voyageur à la fin de l’été, avis aux amateurs de lecture anti-déprime). J’ai retrouvé dans Made in China ce qui a fait mon bonheur avec ces précédentes lectures, mais j’ai aussi rencontré de (très légers) bémols, jusqu’ici inédits.

Les tribulations de Toussaint sont délicieusement cocasses. L’intrigue est bien déjantée, les personnages vraiment atteints, et les rebondissements, nombreux, plus loufoques les uns que les autres – la tentative de viol par une femelle koala en mal d’amour restera une scène culte, sans oublier cette réplique d’anthologie « c’est boooon, les gauuufres« . Le tout est sympathiquement drôle ; il m’a cependant manqué un chouïa de suspens pour être irrépressiblement embarqué dans cette histoire. Et l’écriture m’a par moment semblé trop travaillée, léger frein à une lecture aisée.

Il est pourtant dans ce titres de meilleures trouvailles encore que dans les deux précédemment cités. Mention spéciale aux « bonus » que l’on trouve à la fin du roman, à la manière d’un collector.

« IV – Le bêtisier (…). Voici un des passages les plus intenses de cette histoire : J’ai couché avec ma mère. Comme mon copain OEdidfo aeiyrdfjaphepqdhdfqsdkihfq^g^fg sdiofqsufdoa qdiofqusdo Là c’est mon chat qui a marché sur le clavier de l’ordinateur. On s’est bien marré« .

Ben moi aussi tiens. Parce que ce n’est peut-être pas le meilleur roman de J.M. Erre, mais cela reste un livre truculent, distrayant, au fort pouvoir gloussant. Et dire qu’il va me falloir attendre des mois, voire des années, pour lire un nouveau titre de J. M. Erre – ses trois romans ont été précédemment publiés à une intervalle régulière de deux années… ce qui nous reporte le suivant à 2012… Dur !

Merci à Clara et à Keisha de m’avoir accompagné dans cette lecture !

Bonne plock à tous !

Made in China, par J.M. Erre (2008), aux éditions Points, 221 p., ISBN 978-2-7578-1196-2.



La Photographe, par Christophe Ferré

ferr.jpeg « La tour prends garde, la tour prends garde de te laisser abattre« .

La photographe est une nouvelle, construite sur deux temps bien distincts : le 10 septembre 2001, et le lendemain. Française expatriée à New-York, femme libre et indépendante, la photographe court les modèles et les amants, jusqu’à ce que sa route croise celle du Latino. De cette rencontre va naître une nuit d’amour – un vrai amour, un premier vrai amour.

Le 10 septembre, soit la première partie, le récit m’a simplement bercé. La rencontre,  l’ambiance langoureuse s’accordent difficilement avec la sécheresse du style que j’ai pourtant immédiatement apprécié. Une écriture froide qui se prête difficilement à l’évocation du souvenir et de la passion. Des personnages fantomatiques, anonymes, insaisissables, qui me laissent de marbre. Je savoure la plume mais je reste à distance du récit.

Le lendemain en revanche, le récit m’a bouleversé. Toutes les faiblesses jusqu’ici soulignées deviennent une force. Cette même écriture, pudique, succincte, dépassionnée, se prête parfaitement à rendre compte des événements. Ces mêmes individus anonymes, parce qu’ils sont individus anonymes, prennent une dimension universelle. Cette même relation particulière, en tant qu’elle est particulière, n’est plus : elle devient un drame humain, une trame oppressante, une course contre la mort. Et je suffoque en refermant le livre.

Tous mes remerciements aux éditions du moteur pour cet envoi. Des extraits – écrits, parlés, filmés – de cette nouvelle ici

L’avis de Daniel Fattore.

Edit : ce petit livre a entamé un voyage : après son séjour chez Clara, Sandrine et Manu, il pourrait poursuivre sa route jusque chez vous !

Bonne plock à tous !

La photographe, par Christophe Ferré, aux éditions Le Moteur (2010), Prix de la nouvelle de l’Académie française, 86 p., ISBN 978-2-2918602-02-6.



Pour vous, par Dominique Mainard

97820704172851.gif « Parce que c’est mon métier de rendre les gens heureux« 

Delphine tient une boutique pas comme les autres. « Pour Vous », l’agence de tous les possibles, offre les prestations les plus incroyables ou les plus indécentes, à la limite du tolérable, borderline avec la loi et l’éthique. Jouer une petite-fille de substitution pour un grand-père sénile, offrir un enfant à la location pour des parents stériles, devenir l’accompagnatrice d’un adolescent autiste – et j’en passe. Peu importe pour Delphine qui ne vit que pour son entreprise, soucieuse avant tout de la satisfaction des clients et obsédée de la facturation. Jusqu’à ce qu’un client vienne perturber cette mécanique bien huilée…

Voilà un personnage comme l’on en rencontre rarement et qui va me hanter encore longtemps : Delphine, la narratrice, n’est ni cruelle, ni gentille, ni même dévouée ou manipulatrice. Elle répond à un besoin au sens économique du terme, atteinte, il est vrai, d’une insensibilité troublante, limite inquiétante. Pas de faux-semblants, pas de rapports tronqués et équivoques. Un personnage certainement dérangeant pour une lecture qui ne m’a pas laissée indifférente !

Une histoire originale servie par une belle écriture. La plume de Dominique Mainard m’a semblé en résonance avec le récit : distante, subtile ou directe à bon escient, elle permet de sonder plus encore les ressorts de ce personnage. Les factures qui viennent parfois clore les chapitres sont particulièrement glaçantes… Une lecture qui m’a inspiré des sentiments multiples, tour à tour admirative, révoltée, émue, et souvent estomaquée par la philosophie de vie – appelons là comme cela – de Delphine.

Quelques petits bémols toutefois : d’abord, si le récit est bien construit, c’est qu’il est à mon sens trop « centré », au sens où l’auteur a orienté son récit sur certains personnages au détriment d’autres, tout aussi intrigants à mon sens. Ensuite, si l’auteur a fait évoluer ses personnages avec intelligence, c’est finalement dans une direction à laquelle j’ai peu  adhéré (ellipse peu claire… pour ne pas trop en dire ! Mais ceci est très personnel, et la tournure des évènements a plu et plaira encore certainement à d’autres !). Enfin, le dénouement m’a semblé un rien décevant… Mais cela ne m’empêche pas de garder un bon souvenir de cette lecture forte et de suivre de plus près cette auteur à l’avenir !

« Je ne sais pas s’il est vrai que je devrais avoir honte de ce que je fais. Je ne sais pas s’il est vrai que je n’ai pas la moindre idée de ce qu’est la réalité, comme on me l’a reproché parfois ; on m’a traité de marchande de rêve, et c’était indifféremment un compliment ou la pire des injures. Aux yeux de mes clients, je suis quelqu’un qui console et soigne ou qui vend la plus toxique des drogues. Mais la vie m’a appris qu’il n’y a rien de moins réel que ce qu’on nomme la réalité et qu’une mort, une trahison, une souffrance cessent d’exister du moment qu’on arrive à s’en distraire« .

Un grand merci à Clara d’avoir chaudement recommandé ce roman ! Vous pouvez lire son avis ici, ainsi que ceux de L’Ogresse (qui a reproduit l’une de ces fameuses factures !),  Brize, Stephie, Cuné et Cathulu (convaincues), Amanda et Yoshi (plus mitigées). D’autres avis encore recensés chez BOB

Lu dans le cadre du challenge Littérature au féminin organisé par Littérama.

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Bonne plock à tous !

Pour Vous, par Dominique Mainard (2008), aux éditions Folio, Prix des libraires (2009), 306 p., ISBN 978-2-07-041728-5.



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