Au bord du Gange et autres nouvelles, par Rabindranath Tagore 18 juin
« N’est-il pas intolérable que l’animal traqué se retourne et attaque le chasseur ?«
Il est d’abord un spectre qui raconte à un jeune garçon sa triste histoire (Le squelette). Il est ensuite un homme qui ne peut oublier l’amour de sa vie (La nuit suprême). Il est aussi un vieil homme qui perd l’amour de son fils (Le gardien de l’héritage). Ou un fils égoïste qui refuse la générosité de son père (La clé de l’énigme). Ou encore une femme, qui porte un amour exclusif à son frère handicapé au point de mettre à mal son mariage (La soeur aînée). Ou cette autre jeune femme, devenue veuve à huit ans, et qui devient une ombre (Au bord du Gange).Voilà l’Inde traditionnelle, immuable, où rares sont ceux qui se révoltent contre la fatalité.
Il est tant de charme dans ce recueil qu’il m’est en vérité difficile de dire s’il s’agit bien de courtes nouvelles plutôt que de longs poèmes en prose. Ce n’est pourtant pas faute d’un grand respect du genre : de brèves histoires où des destins anecdotiques s’élèvent avec une intensité rare et se brisent dans des chutes parfois effroyables. Mais le récit se pare de tant de magie, de mystère, de grâce, qu’il m’a littéralement envoûte en dépit de sa cruauté.
Délicate, savoureuse, acidulée, les adjectifs me manquent pour qualifier la plume de Rabindranath Tagore. Le fait que la traductrice ait choisi de laisser certains mots dans la langue d’origine – tout en donnant le sens ou l’explication en bas de page – est particulièrement appréciable. Des phrases simples, qui coulent avec une grande douceur ; et c’est peut-être ce qui rend ce texte plus tragique encore.
Car la beauté de l’écriture n’a d’égale que la cruauté des histoires. Tagore dépeint le poids des traditions, le statut des femmes dans une société patriarcale (La soeur aînée, Au bord du Gange), les comportements les plus vils (Le gardien de l’héritage, La clé de l’énigme) et les amours impossibles (Le squelette, La nuit suprême), avec la même langueur et le même sentiment d’impuissance dans des fables sans morale.
« Le même soir, à l’autre extrémité du village, une ombre de mort planait sur l’humble demeure de la veuve, dénuée de pain et privée de fils. D’autres pouvaient oublier les incidents de la journée à la faveur d’un bon repas et d’une bonne nuit, mais pour elle, un tel événement dépassait en importance tout ce qui lui était donné de concevoir en ce vaste monde. Hélas ! Que pouvait-elle opposer à sa destinée ? Un corps décharné et las, et un coeur de mère sans aucun appui et à demi mort de frayeur« .
Difficile de ne pas recommander ce petit livre. Une très belle lecture, commune avec Soukee et Delphine. Egalement l’avis de Kathel.
Lu dans le cadre du challenge Bienvenue en Inde organisé par Hilde et Soukee.
Bonne plock à tous !
Au bord du Gange et autres nouvelles, extraites du recueil Mashi, par Rabindranath Tagore (1925), traduit de l’anglais (Inde) par Hélène du Pasquier, aux éditions Folio (2010), 105 p., ISBN 978-2-07-040604-3.
Gwenaelle 18 juin
Alors là, tu m’as convaincue. Je vais me le procurer…
Catherine 18 juin
Oh, bon sang, il ne faut pas que je l’oublie, ce challenge !
Tagore, c’est génial !
Bon weekend !
mango 18 juin
Parce que ce sont des nouvelles je vais passer mais ce que tu en dis m’attire quand même et m’intrigue: si je le vois, je lirai les premières pages pour voir ce que je perds!
Pickwick 18 juin
@ Gwenaelle : un grand plaisir pour un petit prix, et un titre lu dans la soirée qui n’encombre pas la PAL, faut pas se priver
@ Catherine : je découvre tout juste Tagore et je suis sous le charme ! Un auteur que je serai ravie de retrouver ! Bon we également !
@ Mango : si tu n’es pas friande du genre nouvelle, tu seras peut-etre déçue par la brièveté de ces textes. Mais l’écriture est tellement belle, tu pourrais être happée
!
clara 19 juin
Des nouvelles… ma tasse de thé!
Manu 19 juin
Je dois absolument commencer ce challenge :-/
Maeve 19 juin
Je ne me suis pas inscrite au challenge mais j’ai dans ma PAL « Compartiment pour dames » d’Anita Nair qui a priori parle de la condition féminine en inde.
De Tagore je ne connais que le nom mais je ne l’ai jamais lu.
soukee 19 juin
Je suis vraiment contente que cette lecture t’ait plu. Pour ma part j’en ai été enchantée. Et je vais m’intéresser de plus près à l’œuvre de Tagore après ça…
Petite précision : Delphine participait à cette LC (je suis un peu débordée et j’avais oublié de te prévenir) Si tu veux mettre un lien vers chez elle, il est chez moi !
Bon week-end !!!
Pickwick 19 juin
@ Clara : oh, cela pourrait beaucoup de plaire alors ! En tout cas, je l’espère !
@ Manu : ce titre est idéal il me semble pour débuter la plongée en Inde ! j’ai encore 2 titres se rapportant au challenge dans ma PAL, il ne faut pas que je les oublie !
@ Maeve : Tagore a une écriture très agréable, j’ai très envie de t’inviter à le découvrir ! Et pour le challenge, un seul titre suffit pour le réussir… pourquoi ne pas essayer ? En tout cas, je regarderai ton billet, le thème m’interesse.
@ Soukee : heureuse que tu ais passé un très bon moment également ! Et merci pour le lien, je vais l’ajouter de ce pas (difficile de penser à tout, comme je te comprends !). Bon we à toi aussi
!
Kikine 19 juin
Pas trop fan de nouvelles mais le sujet m’intéresse suffisamment pour que je tente un jour !
Delphine 19 juin
Tu as très bien su faire passer l’ambiance de ce joli livre dans ton billet. Je dis « joli » alors que les histoires racontées y sont terribles, mais j’ai retenu surtout cette douceur que Tagore fait passer.
Un chouette moment en Inde. Donc je conseille aussi vraiment !!!
Liyah 3 juillet
Suite à ton billet, je l’ai acheté !!!