Debout sur la terre, par Nahal Tajadod 9 juin
« Mais il y a eu ton père. Il ne voulait pas une épouse moderne, mais une femme libre« .
Voici un beau quatrième de couverture, mais qui, chose remarquable, n’en dit presque pas assez. « Il y a d’abord un père merveilleux, khan de vastes terres du Nord, grandes de trois mille âmes. Il voit soudain le voile des femmes tomber, les temps changer, bouleversant toutes les moeurs. Il y a sa fille, Ensiyeh, élevée comme un garçon, qui se bat pour son domaine et s’habille pourtant comme une héroïne de Tchekhov. Il y a Fereydoun, séducteur et fantasque, qui aime Enseiyeh et esquive avec grâce les folies des hommes et du pouvoir. Il y a Monsieur V., qui a connu la gloire et les grands hommes au service des Pahlavi et qui sera emporté par les tourments de Téhéran… Il y a la mort de la monarchie, les tourbillons de la révolution… Mais il y a surtout l’Iran – de l’Empire perse à la Révolution -, personnage central de ce roman foisonnant, parfois comique, avec les surprises prodigieuses de son histoire et la fin d’un monde qui se croyait immuable.«
Téhéran, 1976. Fereydoun doit rencontrer Monsieur V., un homme influent et énigmatique. Il traverse la ville, sans cesse interrompu par des courses ou des souvenirs… Le récit est d’abord obscur, déroutant. Jusqu’au transport dans une province rurale, au début du siècle. Issa Khan est sans héritier. Alors, quand sa troisième femme lui donne enfin un enfant, peu importe qu’il s’agisse d’une fille. Enseiyeh sera élevée comme un chef de clan. Puis c’est la révolution – la première, celles des années 30 – l’occidentalisation brutale du pays. La naissance de l’Iran moderne, la fin du conte persan.
Retour en 1976. Toujours pas de Monsieur V. Les aventures de Fereydoun tournent au vaudeville, le récit se fait cocasse, très drôle même. Et c’est la rencontre avec Massoud l’électricien, qui pratique un Islam fondamentaliste en dissimulant son penchant pour les feuilletons à l’eau de rose. Les bases de la révolution – l’autre, celle de 1979 – sont posées, et le récit se fait sombre, clairvoyant, bouleversant.
Debout sur la Terre est donc un récit ambitieux, enchevêtré, parfois confus et fortement imbriqué dans les faits réels. Raconter l’Iran au siècle dernier et sous toutes ses coutures – la société tribale, les superstitions, le passage à la modernité, l’insouciance, le fanatisme, et bien sûr, la condition des femmes – était certainement une gageure… Nahal Tajadod y parvient, mais non sans difficultés pour le lecteur.
Il est des lectures dont l’on ressort détendu, reposé – force est de constater que ce n’est pas le cas ici. Il faut s’armer de courage… mais cette histoire en vaut la peine. Car il est aussi des lectures dont on ressort plus fort, plus riche, totalement envoûté – et avec un regard différent sur le monde, d’une plus grande acuité. Et c’est vraiment le cas ici.
Pour les lecteurs persévérants, amoureux de contes orientaux ou férus d’histoire contemporaine, mais aussi pour les amateurs de fresques historiques et familiales qui donnent à voir un lieu et une époque – et à mieux comprendre certains enjeux actuels.
Tous mes remerciements à et aux éditions JC Lattès pour ce partenariat !
Bonne plock à tous !
Debout la terre, par Nahal Tajadod (2010), aux éditions JC Lattès, 448 p., ISBN 978-2-7096-3074-0.
clara 9 juin
Ah ,dommage qu’il en soit pas en poche…
zarline 9 juin
Un roman que j’ai déjà repéré et que j’ai très envie de découvrir. En plus, j’adore cette couverture un peu rétro.
Pickwick 9 juin
@ Clara : oui, il vient juste de sortir, le poche attendra je suppose… Mais je peux le faire voyager si tu veux, avec plaisir.
@ Zarline : tu soulignes un point important : la couverture est très très bien choisie par rapport au contenu ! Rétro, baroque, joyeuse et inquiètante, avec cette femme armée d’un fusil… vraiment réussie ! Et tout pareil que pour Clara, je peux faire suivre sans problème.
Kikine 9 juin
Bon, en ce moment, je ne me sens pas d’attaque pour ce genre de livres mais j’y reviendrai peut-être un jour
Ys 10 juin
Je crains d’être très largement dépassée par les références historiques et culturelles…
Pickwick 10 juin
@ Kikine : tu as tout à fait raison de peser ta décision, car ça reste une lecture belle, mais difficile, notamment au vu de la construction du récit
!
@ Ys : si cela peut te rassurer, avant ma lecture, mes connaissances sur l’Iran se résumaient, à peu de choses près, à Persepolis
! Les événements qui ont secoué le pays sont plutot bien expliqués, et un petit tour sur Wiki a fait le reste (« Histoire de l’Iran », article de qualité selon les critères du site)
soukee 10 juin
Je l’avais repéré aussi. Merci pour ton billet !
zarline 11 juin
Et bien s’il voyage, je m’inscris volontiers sur la liste. Par contre, comme j’habite en Suisse, je ne sais pas si ça pose problème pour les envois…
Pickwick 11 juin
@ Soukee : si l’histoire de l’Iran t’interesse, tu peux y aller les yeux fermés, meme si c’est une lecture assez exigeante !
@ Zarline : aucun souci pour un envoi en Suisse (d’ailleurs, on est pas si loin… à vol d’oiseau
!), envoie-moi un mail avec ton adresse !
L’Ogresse 11 juin
Ah, je ne sais pas, peut-etre pas mon style (le conte persan) quoique le sujet m’intéresse….arghhh, trop de livres, z’y arrive pas…
Pickwick 15 juin
@ L’Ogresse : c’est un livre qui reste assez peu « accessible » malgré son beau et vaste sujet, donc sans regret si tu ne le sens pas « à fond »
! Très dur de faire des choix parfois
!
Tulisquoi 6 juillet
Il me fait presque regretter de n’avoir pas été au bout du livre ton article ! Peut-être que je me lancerais au moment de la sortie en poche, vu que le mien est allé se balader en Italie
Kornaline 11 juillet
Je suis d’accord avec vos commentaires: lecture peu aisée … mais si l’on s’arme de courage, on n’est loin d’être déçu à la fin!
J’ai trouvez ça magnifique !
Profitez des vacances pour le lire en prenant votre temps
Pickwick 11 juillet
@ Tulisquoi : à réessayer peut-etre effectivement ? Il est parfois des moments pour lire (ou ne pas lire) un livre…
@ Kornaline : une lecture exigeante, mais qui en vaut la peine, on est bien d’accord ! Aucun regret, meme si je suis parfois sortie épuisée par cette lecture qui demandait un fort niveau de concentration !