Premier Amour – Un conte gothique, par Joyce Carol Oates 10 mai
« Il est bon d’avoir peur, il est normal d’avoir peur. La peur te sauvera la vie« .
A force de grincer contre certains quatrième de couverture, j’en oubliais presque qu’ils sont parfois salvateurs. Car à m’en tenir à ma seule impression de lecture, j’éprouve le besoin de respirer un grand coup – en me disant qu’un peu de recul fait parfois le plus grand bien.
« Pour une raison qui demeure obscure à Josie, sa mère a précipitamment abandonné le domicile conjugal et l’a emmenée vivre dans la maison de sa grand tante. C’est là qu’elle fait la connaissance de Jared, un cousin nettement plus âgé qu’elle. (…). Jared exerce sur Josie la plus grande fascination. Par un capiteux après-midi d’été, elle le rencontre sur le bord de la rivière… (…) Ce livre inquiétant, immoral ou onirique, qui ne dit rien sur le s*xe et tout sur les vertiges des fant*smes, est sans doute l’un des plus érot*ques qui soient« .
J’avais adoré Délicieuses Pourritures. C’est donc avec entrain que je me suis jetée sur ce très court roman de Joyce Carol Oates (moins de cent pages)… et dont je ressors terriblement confuse.
D’abord, en raison de l’opacité du discours. L’auteur a choisi de faire parler Josie se parlant à elle-même (!). Un procédé narratif qui lui permet de multiplier les zones d’ombre. Le « non-dit » est ici déployé à l’infini… Car Josie ne peut – ou ne veut – mettre des mots sur les évènements qui se produisent. Sa mère qui disparait des heures, des jours entiers. Le comportement de Jared Jr., taciturne et dévot, dont la santé mentale prête à caution. Leurs rencontres dans les marais. Cette lecture requiert en définitive un effort d’interprétation soutenu – et ne se lit donc pas rapidement malgré sa petitesse.
Ensuite, pour l’arrière-goût nauséeux que le récit provoque plus encore sur le fond. Le quatrième de couverture qui évoque fant*smes et érot*sme me laisse songeuse. Car l’on suit là le trouble d’une toute jeune fille – 11 ans ? 12 peut-être ? – fascinée par un homme pour le moins perturbé. Le serpent rôde, il se fait même violent. Et l’auteur nous conduit sur une pente terriblement sombre – pour ne pas dire carrément lugubre.
Attention, ce n’est pas l’évocation d’une s*xualité pré-adolescente qui (me) dérange. Ni même les questions malsaines que la situation inspire (où s’arrête le consentement et où commence la soumission ? Le désir peut-il survivre à l’angoisse ? Etc.). Mais l’idée même que l’on puisse voir dans ce récit une quelconque note d’érot*sme. Je préfère penser que l’auteur de cette présentation n’ai pas lu le livre jusqu’à son terme – car, dans le cas contraire, voilà qui me parait très inquiétant.
« Avec brutalité, à présent, Jared t’oblige à te lever. Tu panique en te demandant où il t’emmène mais tu ne parviens pas à te dégager de son emprise. Entre les tiges de bambou, tu distingues la haute maison de bardeaux couleur d’étain qui se dresse à des centaines de mètres au dessus de toi, à l’autre bout du marais – fenêtres opaques, aveuglées par le soleil. Tu te dis, Et si mère regardait ! Et si mère regardait ! Mais c’est un après-midi de la semaine. Mère est ailleurs. Personne n’est là« .
Ce n’est certainement pas le titre que je conseillerai pour découvrir l’auteur, une auteur qui ne me laisse décidément pas indifférente – et c’est un euphémisme.
Et donc pour laquelle je plongerai encore les yeux fermés – mais l’estomac bien accroché.
Lu dans le cadre du Challenge Oates organisé par George.
Bonne plock à tous !
Premier Amour – Un conte gothique (First Love – A Gothic Tale), par Joyce Carol Oates (1996), traduit de l’anglais (américain) par Sabine Porte, aux éditions Babel (2006), illustré par Barry Moser, 90 p., ISBN 2-7427-6286-8.
clara 10 mai
Cette auteure écrit des récits de femmes souvent troublants.. ou plus !
Pickwick 10 mai
@ Clara : et celui-ci n’échappe pas à la règle ! Quoi qu’il s’agisse en réalité d’une toute jeune fille – sans quoi le malaise n’aurai (presque) pas lieu d’être !
CecileSBlog 10 mai
J’ai Délicieuses pourritures dans ma PAL. Pour celui-là, j’attendrais d’avoir un peu plus découvert l’auteur tout de même.
soukee 10 mai
Je note Délicieuses Pourritures pour commencer alors…
Je suis partante pour une lecture commune de Au bord du Gange… pour le 18. Tiens moi au courant si ça te dit toujours !!!
Bonne soirée !
Cynthia 10 mai
Bon ben celui-ci est dans ma PAL mais – heureusement apparemment- « Délicieuses pourritures » y figure aussi et sera lu avant
claudialucia ma librairie 10 mai
je me suis aussi inscrite pour le challenge Oates. Tu as raison, il faut avoir l’estomac bien accroché pour lire ses livres. Mais quel écrivain! Je viens de finir La Fille tatouée!Là aussi la quatrième de couverture parle de huis clos érotique; je trouve que c’est tout sauf ça!
Pickwick 10 mai
@ Cécile : ça me semble vraiment judicieux. Et Délicieuses pourritures me semble idéal pour se lancer dans Oates ! C’est même un bon « test » : si tu trouves ce dernier trop glauque, que dire de Premier Amour… un pas de plus dans le lugubre !
@ Soukee : un bon rapport qualité/prix
Court, pas cher (!), et captivant !
Et je note le Tagore pour le 18, c’est super !
@ Cynthia : je me disais que si j’avais commencé par celui-ci, j’aurai été très réticente à poursuivre ma découverte de Oates… alors que Délicieuses pourritures m’a vraiment invité à en découvrir davantage.
@ Claudialucia : et pourtant, je ne suis pas réfractaire au genre « coup de poing », bien au contraire ! « La fille tatouée » me tente énormément (merci Amélie ! – et merci à toi pour l’avertissement ! Et merci à George bien sur pour la découverte de cette auteur !)
sandy 11 mai
Cette auteure semble décidément être multiple (dans le sens où ses romans développent des sentiments très différents !)
J’en ai 2 qui m’attendent (parmis les plus facile je pense, pour démarrer !)… faudrait que je m’y mette d’ailleurs puisque je me suis inscrite au challenge de Georges moi aussi mais pour le moment je n’avance pas ! ;o)
Pickwick 11 mai
@ Sandy : je vais vérifier si les titres que j’ai encore dans ma PAL sont plus « légers » alors
C’est vrai que c’est aussi une auteur qui a écrit des livres jeunesses ! Oh, quels titres as-tu donc ? Je file voir ça !
Ys 11 mai
Je viens de lire « Délicieuses pourritures » et si je n’ai pas adoré, j’ai apprécié. Je continuerai ma découverte de JCO, mais peut-être pas avec ce titre-là…
L’Ogresse 11 mai
Pas facile ce texte, alors ? Je passe mon tout sur ce titre mais je compte bien decouvrir cette auteure prochainement.
Kikine 11 mai
Comme je n’ai encore rien lu de Oates, je vais peut-être attendre avant de lire ce livre …
YO 11 mai
L’extrait …est dérangeant. La santé mentale de la jeune fille est à questionner si elle se parle souvent à le 2eme personne!..Du coup, ça me donne quand même envie de le lire..pour mieux comprendre ce que ton point de vue..
Ofelia 12 mai
J’aime Oates, je prends, je prends, je prends!
Merci Pick’
Mélopée 12 mai
Euh, je ne suis pas sûre que je commencerais ma découverte de Oates avec celui-ci. C’est vrai que je préfère les romans où ça coule de source et où les zones d’ombres disparaissent petit à petit. Bref, « Délicieuses pourritures », pourquoi pas !
Pickwick 12 mai
@ Ys (dont le comm » avait disparu dans les méandres de mon blog ! Etrange !) : celui-ci me semble vraiment dans la continuité de Délicieuses pourritures, en plus lugubre… et il y a tellement de titres de Oates à découvrir !
@ L’Ogresse : « pas facile », c’est exactement ça. Ce n’est pas le titre que je recommanderai tout de suite, là, pour commencer, mais oui, Oates vaut bien le détour !
@ Kikine : je crois vraiment que c’est préférable, pour ne pas se dégouter de l’auteur d’entrée de jeu !
@ Yo : c’est un précédé qui m’a vraiment décontenancé. Du coup, le lecteur garde une énorme distance avec Josie, tout en voulant s’en rapprocher, étrange. Mais ce roman reste court, donc oui, n’hésite pas à tenter le coup !
@ Ofelia : mais de rien ! Je me doute que tu as le coeur bien accroché toi, donc fonce !
@ Mélopée : certaines questions restent effectivement en suspens, là aussi c’est troublant… mais il en est certaines pour lesquelles il n’est pas sur que j’ai envie de connaitre la réponse… Et Délicieuses Pourritures, oui ! C’est une petite bombe ce bouquin !
Manu 13 mai
JCO est une romancière aux talents multiples. Tous ces romans ne sont pas dans ce genre-ci. Je suis une grande fan de ses romans épais mais j’ai encore peu lus ses petits romans plus choquants, dirons nous.
Choco 13 mai
J’ai commencé ma découverte de Oates avec La fille du fossoyeur que j’ai aimé mais sans coup de coeur. Cynthia et moi avons les mêmes PAL « oatesiennes » et poursuivre mes découvertes avec ce titre là ne me fait même pas peur lol
Pickwick 13 mai
@ Manu : en te lisant je me dis qu’il faut que je change de format alors, pour m’attaquer enfin à du lourd dirons nous. « Blonde » par exemple me tente beaucoup… une auteur pour laquelle j’ai très envie de succomber !
@ Choco : yes !!! J’aime ceux qui ont l’estomac bien accroché
Je n’avais pas noté Le fille du fossoyeur, pour plus tard peut-etre mais pas d’urgence alors ? Et j’espère que Délicieuses Pourritures te plaira autant qu’à moi !
Liyah 14 mai
Je connaissais pas du tout celui-la ! Je le note car il m’intrigue pas mal ! Je verrai si je le trouve a la bibliothèque !
LadyScar 27 mai
Il me tente bien ce livre…
George 15 juin
Les quatrièmes de couverture sont très utiles pour Oates… j’avoue éviter les romans trop sombres, j’ai acheté récemment « Au commencement était la vie », j’ai longtemps hésité à cause du sujet, mais on verra bien, c’est aussi un roman très court c’est ce qui m’a décidée !!