Orages Ordinaires, par William Boyd 6 mai
« Ne te tape jamais ta voisine, il se souviendrait de ça dans une prochaine vie« .
Il est parfois des lectures paradoxales que l’on souhaite ne jamais voir finir tant le plaisir est grand, et que, dans le même temps, l’on ne peut s’empêcher de dévorer tant le suspens est insoutenable. Ce fût le cas du dernier roman de William Boyd, Orages ordinaires, que je peux annoncer immédiatement comme étant un grand coup de coeur.
Le plaisir commence dès le quatrième de couverture, avec une présentation comme on aimerait en voir plus souvent. « Par un pur hasard, Adam Kindred, jeune climatologue spécialiste des nuages, se retrouve dépouillé en quelques heures de tout ce qu’il tenait pour acquis : sa carrière, sa réputation, ses cartes de crédit, son passeport, son portable, et même ses vêtements, soit tous les signes extérieurs de son identité humaine. Une succession de terrifiantes coïncidences fait de lui l’auteur tout désigné d’un meurtre. Police et tueurs à gage lancés à ses trousses, sa seule issue est d’entrer dans la clandestinité et de rejoindre la multitude de ces disparus qui hantent les grandes capitales mais demeurent indétectables sous les rayons inquisiteurs des radars sociaux. Entre ses poursuivants multiformes et insaisissables et ses frères de misères, Adam fait l’apprentissage cruel et fascinant de l’art de la survie à l’intérieur d’un Londres hors normes, peuplé de personnages fort inventifs face aux vicissitudes existentielles« …
Si les toutes premières pages peuvent être un peu déconcertantes, l’on comprend très rapidement que l’on tient dans les mains un vrai bijou.
D’abord et avant tout pour la qualité de l’intrigue. Une narration alternée (encore !), qui permet de suivre la chasse à l’homme lancée contre Adam, le témoin gênant, par cet ancien militaire devenu mercenaire et orchestrée par les barons de l’industrie pharmaceutique.
Une intrigue bien construite et qui n’a rien d’insurmontable ! William Boyd sait doser les zones d’ombres, les révéler en temps utile, et créer une traque à couper le souffle sans jamais perdre son lecteur. Tout a du sens et tout s’éclaire au moment opportun. Il n’est ni imbroglio gratuit, ni mélo facile, en particulier à la fin – une fin étonnamment apaisante.
Orages Ordinaires, c’est aussi une ambiance, des personnages terriblement crédibles (mention spéciale à Ly-on, « petits petits pois ») et un style – magistral. Et une réflexion tout en finesse sur les enjeux de l’identité, de l’anonymat, du pouvoir, de l’éthique, de l’échelle sociale… bref, du chaos de la société moderne.
« Il s’offrit une douche dans la suite de la gare Victoria et se lava les cheveux pour la première fois en un mois ou presque. Il examina l’étranger barbu aux traits tirés qui le fixait dans le miroir tandis qu’il se coiffait et fut frappé par la force des sentiments contraires qui l’habitaient : une vive fierté devant sa résilience et son ingéniosité, un amer apitoiement sur soi-même à l’idée qu’il avait pu en arriver là. Oui, je suis libre, songea-t-il, mais que suis-je devenu ?« .
Un thriller qui se déguste aisément tout en donnant à réfléchir sur le monde qui nous entoure. J’en redemande ! Merci à L’Ogresse, grâce à qui j’avais repéré ce titre !
Et je remercie bien sûr Alapage pour l’envoi du roman Orages Ordinaires de William Boyd, un auteur dont je ne vais certainement plus me passer !
Bonne plock à tous !
Orages Ordinaires (Ordinary Thunderstorms), par William Boyd (2009), traduit de l’anglais par Christiane Besse, aux éditions du Seuil (2010), 476 p., ISBN 978-2-02-100103-7.